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Notes de lecture

L’Enfant et les écrans

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Note de lecture sur l’avis de l’Académie des sciences, publié en janvier 2013, qui fait le point sur les liens entre les pratiques d’écrans et le développement de l’enfant.

Publié le 02/07/2014, Mis à jour le 07/05/2023

L’omniprésence et l’évolution permanente des écrans dans notre quotidien soulèvent de nombreuses interrogations et inquiétudes, notamment quant à leur utilisation par les plus jeunes issus de la génération Y rebaptisée « petite poucette » par Michel Serres. L’Enfant et les écrans, l’avis publié en janvier 2013 par l’Académie des sciences, propose d’apporter éclaircissements et nuances sur cette question éminemment contemporaine et politique, sujette à controverses.

Les universitaires Jean-François Bach, Olivier Houdé, Pierre Léna et le psychiatre Serge Tisseron, les quatre co-auteurs de L’Enfant et les écrans publié par l’Académie des Sciences, signent un ouvrage qui tient lieu à la fois de rapport, de guide et de réflexion sur les différentes pratiques des enfants face aux écrans et leurs effets. Construit comme un manuel consultable selon les préoccupations de chacun, L’Enfant et les écrans se définit au « carrefour de la connaissance scientifique, de la réflexion éducative et de l’attention portée au fonctionnement sans cesse évolutif de notre société » et entend faire preuve de mesure dans son traitement des enjeux soulevés.

Culture des écrans et développement cognitif

Les auteurs reviennent en premier lieu sur les spécificités de la culture des écrans et sur la façon dont celle-ci éveille de manière nouvelle les capacités mentales et psychiques des enfants. Ils proposent de mettre en évidence les différents types de relais qui s’établissent entre le virtuel numérique et le virtuel psychique en fonction de l’âge des enfants. Une nette distinction culturelle, cognitive et psychique entre la pratique des livres et celle des écrans est pointée incluant les défauts et avantages de chacune d’elle. Il n’est pas pour autant question de mettre ces deux cultures dos-à-dos mais plutôt de se tourner vers l’avenir et d’imaginer une culture « métissée » des textes et des images qui unirait leurs points forts respectifs.
La question centrale de la violence est traitée avec le même souci de dépasser les généralités pour établir un constat nuancé. Sont ainsi prises en compte plusieurs formes de violence véhiculées par les écrans et les réactions qu’elle provoque, pas toujours négatives. Plusieurs modes de prévention existent qui passent en premier lieu par l’éducation parentale, mais peuvent aussi venir de programmes de télévision et de jeux vidéos invitant à une ouverture aux autres ainsi que de l’application de plans de préventions dans les écoles. Les apports et dangers des écrans sont appréhendés de manière plus large et approfondie encore par les auteurs, à travers les différents stades de l’enfance. Il est par exemple souligné que l’usage modéré et accompagné des tablettes tactiles contribue à l’éveil des bébés. Dans tous les cas, les auteurs mettent l’accent sur l’importance d’éduquer dès le plus jeune âge les enfants à une pratique mesurée et auto-régulée.

Les cerveaux face aux écrans : les risques pathologiques

Dans la deuxième moitié de l’ouvrage, l’attention est portée sur la complexité du cerveau afin de mieux comprendre son rapport aux écrans. Pour cela, les auteurs se sont appuyés sur des études récentes des neurosciences, des sciences cognitives et des études expérimentales et cliniques de psychologie et de pédopsychiatrie. Ils reviennent notamment sur les risques de pathologies liés au écrans, risques au centre des préoccupations. Ils tranchent quant à la question de l’addiction (impliquant un syndrome de sevrage et de risque de rechute) en constatant que jusqu’ici aucune étude sérieuse sur la question ne confirme son existence. Sont néanmoins relevés les conséquences d’usages problématiques des écrans, par exemple la prise de poids, le déficit d’attention et la passivité liés à une surconsommation de la télévision ou le refuge excessif dans Internet. Le terme de pathologie liée aux écrans est employé avec beaucoup de précaution, « un usage excessif d’Internet pouvant être le révélateur de problèmes sous-jacents » pas directement liés aux écrans.

Variété des écrans et de leurs usages : comment en tirer le meilleur ?

Pour finir, l’ouvrage passe en revue tous les types d’écran concernés (le cinéma, la télévision, l’ordinateur, le téléphone portable, la tablette tactile) et la multiplicité des pratiques auxquelles ils invitent et inviteront. Les auteurs s’intéressent tout particulièrement aux réseaux sociaux et aux jeux vidéo en mettant en avant leurs dangers mais aussi leurs bienfaits : notamment la sociabilisation et un effet désinhibiteur pour les premiers et la réflexion stratégique, la créativité voire l’esprit d’entraide pour les seconds. Ils concluent sur l’importance de ne pas diaboliser les écrans et encouragent à voir dans ces nouveaux objets technologiques un plus apporté à notre culture et aux modes d’apprentissage, à condition de bien les utiliser. Pour cela, ils prônent l’alternance des pratiques précisant que « les écrans interactifs ne peuvent en aucun cas remplacer les jouets traditionnels ».

Cet avis de l’Académie des Sciences a fait l’objet d’une critique virulente parue dans le journal Le Monde en février 2013. Ses signataires lui reprochent un manque de sérieux et des assertions fausses (sur les bébés et les tablettes tactiles, sur l’addiction), sans réels fondements scientifiques. La volonté, tout à fait louable, des auteurs de L’Enfant et les écrans de dépassionner et de pondérer les débats soulevés par leur sujet semble avoir orienté le contenu de cet ouvrage, peut-être au détriment d’une prise en compte plus approfondie de ce qui est à craindre et surtout à prévenir. Ainsi, alors qu’il y est de bout en bout question d’éducation, il n’est pas mentionné le rapport parfois problématique que les adultes entretiennent eux-mêmes avec les écrans. Cet ouvrage reste néanmoins un guide accessible et globalement utile quant à la compréhension et à la pratique des écrans.

Note de lecture rédigée par Amélie Dubois

Pratique

  • Le rapport de l’Académie des sciences est en ligne ici