Points de vue sur l’éducation aux images
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Fiche Méthodologie

Mener un débat avec des (pré)adolescents

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Claudine Le Pallec Marand, docteure à l’université de Paris VIII, propose quelques conseils pour préparer une séance et animer un débat après la projection d’un film destiné au jeune public.

Publié le 02/12/2014, Mis à jour le 07/05/2023

Les 23 et 24 octobre 2014, les associations Les doigts dans la prise et Enfances au cinéma organisaient,  à la demande et avec le soutien de la DRAC Ile-de-France, deux journées de formation destinées en particulier aux animateurs jeune public des salles de cinéma. Claudine Le Pallec Marand, docteure à l’université de Paris VIII, a donné quelques conseils pour préparer une séance et animer un débat après la projection d’un film destiné au jeune public.

La projection en salle des films du dispositif est un moment crucial. Idéalement, elle permet de désamorcer le refus de voir et d’entendre de certains jeunes spectateurs. Elle devrait également les convaincre ou plutôt leur donner l’expérience pratique que le cinéma est un langage et que le film propose un point de vue. Quoi qu’il en soit, elle nécessite une évidence de départ : l’animateur doit faire sien les choix du film projeté, c’est-à-dire comprendre la volonté du cinéaste (qui n’équivaut pas à aimer ou non le film – un sentiment très différent de la compréhension).

Nous proposons ici une réflexion sur la présentation du film, sur l’usage a posteriori des mots de la mise en scène et sur la distribution de la parole au moment du débat. Il s’agit d’amorcer l’analyse de film et de proposer quelques remarques psycho-sociologiques pour préparer les débats des films les plus susceptibles d’interpeller les jeunes spectateurs.

 

Étape 1 : la présentation
La présentation du film avant la projection est délicate car l’animateur jeune public possède seul l’usage de la parole ainsi qu’une première vision du film (avec la lecture des propos des artistes si possible). Dès lors, ce n’est pas le moment le plus opportun pour donner le plus grand nombre des informations, mais plutôt celui de proposer des pistes de lecture qui puissent se superposer aux images et sons du film après sa vision. Par exemple, dans le cas d’Abouna (Haroun Mahamat-Saleh, 2002), il vaut mieux déplacer la question de la naissance géopolitique des cinémas africains (inséparable de la décolonisation dans la seconde partie du XXe siècle) et préférer souligner le rôle du cinéaste dans le cinéma africain d’aujourd’hui. En outre, les questions sur la présence du père (le premier regard caméra du film, la projection dans le film…) et sur la géographie physique du Tchad font échos aux premiers plans de l’homme s’en allant au milieu des dunes baignée de soleil.

Le moment de présentation est le meilleur moment pour diriger les regards :
o Indiquer le thème principal du film en posant la question : comment filmeriez-vous ce sujet ? (pour mesurer l’originalité d’une démarche)
o Affirmer les choix du cinéaste (réalisme, symbolique des couleurs, etc…)
o Pointer un thème courant sur plusieurs séquences.
La comparaison permettra de sensibiliser plus tard aux cadres, à la musique, (une fois que le thème est reconnu par tous les spectateurs) etc…

 

Étape 2 : la séance
Assister à une ou deux séances AVEC les jeunes spectateurs permet d’utiliser leurs remarques en notant les commentaires spontanés accompagnant leurs réactions pendant le film :
– Rire (empathique ou sans empathie avec le personnage),
– Quasi-silences d’émotions,
– Commentaires sur la rapidité soudaine de l’action,
– Moments « choquants », etc…

 

Étape 3 : le débat
Si a priori chaque film est unique (nationalité du réalisateur ou de la réalisatrice, époque et géopolitique des cinématographies nationales et du moment d’un tournage, style employé), trois attitudes peuvent être proposées :

  • L’écoute
    S’il n’y a pas de questions vous en avez pour eux. Il ne faut rejeter aucune question mais aussi ne pas hésiter à renvoyer la question : as-tu une première réponse à ta propre question ? Un(e) autre aurait-il une réponse ?
  • La liaison inconditionnelle fond/forme
    Ne pas isoler un mot de cinéma (traveling, plan-séquence, gros plan, hors-champ, etc…) mais tenter de l’associer à la narration, à l’histoire du film.
  • Le recours à la comparaison de séquences, avec plusieurs mises en scène pour un même sujet.

 

Exemples :
Si on demande aux élèves de faire l’inventaire des séquences ayant trait à la religion dans Bled Number One (Rabah Ameur Zaïmeche, 2006), on met en évidence lesquelles sont très souvent omises : la séquence du religieux qui soigne l’esprit avec le plan final vers la fenêtre, les plans généraux de la prière collective avant de partager la nourriture, le panoramique sur l’écoute du muezzin sans savoir prier puis de la mosquée de la ville, etc…
La comparaison entre deux séquences de Tomboy (Céline Sciamma, 2011) la première dans la salle de bain et la seconde dans la forêt insiste sur l’importance du cadre et le principe de l’intimité. À quel moment de l’intrigue la réalisatrice filme ou pas le sexe de l’actrice, pour qui (le spectateur versus ses anciens camarades de jeux), et pourquoi (définir la mascarade de l’héroïne puis faire comprendre le sentiment de curiosité ou la défense discrète de son amie puis le viol de son intimité) ?

Compte rendu de la conférence du 23.10.2014
Claudine Le Pallec Marand