Points de vue sur l’éducation aux images
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Fiche Méthodologie

Fiche pratique n°1 : Définir son projet autour du jeu vidéo

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Vous souhaitez mettre en place un projet autour des jeux vidéo dans votre structure ? Le Fil des images lance une série de fiches pratiques, en partenariat avec la MJC de Chenôve.

Publié le 18/12/2019, Mis à jour le 21/04/2023

Nul doute : les jeux vidéo représentent une véritable opportunité pour aborder, autrement, une animation culturelle, un projet pédagogique (comme ici, à Chenôve) ou une action d’éducation aux images. Toutefois, nombreux peuvent être les freins : un matériel peu adéquat, la crainte de ne “pas assez s’y connaître”,… Le Fil des images inaugure une série de fiches pratiques pour vous aider à exploiter ce nouveau terrain de jeu.

Les fiches pratiques s’appuient sur le travail mis en place à la MJC de Chenôve, en partenariat avec Centre Image, Pôle régional d’éducation aux images en région Bourgogne-Franche-Comté. Par Kévin Martin Izarn, chargé de développement numérique et participation des habitants à la MJC de Chenôve.

 

Fiche n°1 : Définir son projet

 

LE PIÈGE À ÉVITER

Faire du jeu vidéo pour le jeu vidéo ! “Quand nous avons commencé à réfléchir, au sein de la MJC, au fait d’ajouter des activités jeux vidéo au catalogue d’activités, nous nous sommes rapidement rendus compte qu’il ne fallait pas proposer du jeu vidéo “juste” pour faire du jeu vidéo, c’est-à-dire sans apporter de distanciation critique vis-à-vis de l’offre des éditeurs et de la pratique consumériste de ce média.”

Pour éviter cet écueil, il faut inscrire l’activité basée sur le jeu vidéo dans une démarche consciente, réfléchie. L’objectif en proposant une animation sur ce support est que ce dernier, justement, reste un support et non la finalité. Le jeu vidéo devrait rester une étape d’un projet, un outil, un moyen d’appel pour aller vers « autre chose », dans une démarche plus large et constructive que sa simple consommation.

 

L’EXEMPLE DE LA MJC

“Prenons l’usage que nous en avons fait à la MJC de Chenôve : les premières expérimentations réalisées s’inscrivaient dans un objectif précis, à savoir recueillir la parole des jeunes sur le renouvellement urbain organisé dans notre commune. Comme nous pouvions le prévoir, l’atelier a suscité de l’intérêt auprès des jeunes dont l’appétence pour le jeu Minecraft (que nous avions choisi pour la tâche que nous nous étions donnée) préexistait. Cependant, la pratique que nous leur demandions changeait de leurs habitudes et les emmenait sur des sentiers qu’ils n’auraient probablement pas empruntés de cette manière.”

 

QUELS PROJETS MENER AUTOUR D’UN JEU VIDÉO

Impossible d’être exhaustif sur les nombreuses façons de se servir des jeux vidéo en animation ou en pédagogie, mais voici quelques pistes :

 
POUR UN USAGE PÉDAGOGIQUE :

– Le machinima [1] invite les participants de l’atelier à créer un film, un court-métrage, à partir du moteur [2] d’un jeu vidéo. Nous avons animé de tels ateliers à plusieurs reprises à la MJC en utilisant une nouvelle fois Minecraft, et nous devons souligner le caractère complet de cet exercice : écrire un scénario pour une production de trois ou dix minutes (selon la durée de l’atelier, variable entre un après-midi et une semaine) ; construire les décors (facilement avec Minecraft) ; faire ou trouver les costumes des personnages ; tourner [3] les scènes en collaboration avec les autres participants de l’atelier, directement dans le jeu ; enregistrer les voix-off pour des dialogues ; trouver les musiques ; faire le montage… Bref, un vrai travail de création [4] ! Certains jeux, comme Grand Theft Auto V (GTA V, la bête noire des parents…) intègrent directement dans leur interface les outils de prise de vue et de montage pour faciliter cette pratique [5]. Cette technique peut permettre à un professeur de français, par exemple, de reproduire une scène d’un livre lu en classe. A vous de voir comment mettre à profit cette possibilité.

Sur GTA V, l’éditeur Rockstar permet de faire des montages in situ. Plusieurs tutos sont disponibles sur internet (par exemple, ici)

– Le jeu Kerbal Space Program (KSP) propose aux joueurs de gérer le programme spatial d’une race extraterrestre un tantinet maladroite, les « kerbals ». Alliant réalisme (et simplicité pour ne pas tendre vers une difficulté inaccessible), liberté de choix (d’erreurs : vous ne compterez plus le nombre de fusées que vous ferez exploser !) et humour, le jeu est une porte d’entrée vers l’univers de l’astrophysique. Le joueur peut en effet y monter ses propres fusées et les piloter pour explorer un système solaire similaire au nôtre. En faisant cela, les lois de la gravité, les principes de la balistique et l’influence des astres entre eux deviennent limpides. Le joueur, s’il souhaite atteindre ses objectifs, doit composer avec tous ces éléments, c’est-à-dire les subir, les tester, et in fine les comprendre. Et pour cela, nul besoin de rentrer dans des formules mathématiques complexes qui en rebuteraient plus d’un. Envie de travailler avec ce jeu sur la partie du cours abordant le système solaire ? Besoin d’un support pour expérimenter la combustion et les réactions chimiques ? Tenté par une nouvelle façon de travailler sur les vecteurs de forces et sur les trajectoires de projectiles ? Vous voulez visualiser la conquête spatiale en revivant les programmes Apollo [6] ? KSP est votre allié !

POUR UNE ANIMATION :

Bien entendu, il est aussi tout à fait possible d’envisager une activité, une animation, dont l’usage qui sera fait du jeu vidéo ne sera pas « tordu » pour inculquer un savoir ou pour recueillir une forme d’expression. En d’autres termes, proposer aux participants de jouer « normalement » au jeu vidéo en question. L’objectif recherché peut être simplement de proposer une animation collective, créer du lien entre et avec les participants, produire une expérience commune et une mémoire collective entre les membres du groupe, procéder à un échange d’expériences entre pairs, découvrir un « objet culturel » au même titre que pourrait l’être un film par exemple… Les directions que peuvent emprunter ces formes d’ateliers sont multiples et dépendent pour beaucoup de la façon dont l’animateur ou le pédagogue abordera ses séances. Toujours est-il que, en acceptant que le jeu vidéo revêt les attributs d’une pratique culturelle comme une autre, il est possible d’engager les mêmes initiatives que celles des éducations aux images (découverte, partage, distanciation, analyse…). Quelle satisfaction pour l’animateur de voir (enfin !) un jeune introverti se sentir à l’aise dans un groupe parce que nous abordons un domaine dans lequel il excelle et où il peut co-construire avec d’autres un projet, échanger sur une passion, partager sa culture, se vanter de ses capacités… !

 

EN CONCLUSION

A la question « En quoi un jeu vidéo pourrait m’aider à atteindre mon objectif ? », le jeu vidéo ne sera pas forcément le bon support ! Si l’enjeu est d’étudier la flore, par exemple, sans doute faudra-t-il privilégier la balade en forêt plutôt que chercher un jeu qui convienne ! Mais peut-être qu’empiler des cubes dans un jeu permettra de créer un groupe éclectique de passionnés pour réfléchir à l’aménagement d’une ville, faire des films, s’initier à la programmation…

Par Kévin MARTIN IZARN, chargé de développement numérique et participation des habitants à la MJC de Chenôve

[1] Mot-valise formé à partir des mots « machine », « cinéma » et « animation ».

[2] Le moteur d’un jeu vidéo est un ensemble de composants logiciels qui gèrent les calculs de la physique et de la géométrie, pour faire évoluer et interagir les éléments d’un jeu (personnages, décors…) entre eux. Les moteurs de jeux permettent d’avoir un rendu en temps réel du monde virtuel en fonction des actions du joueur. Plusieurs jeux peuvent utiliser le même moteur.

[3] Pour cette étape, nous utilisons un logiciel de capture vidéo (OBS Studio) qui enregistre ce qui se passe sur l’écran de l’ordinateur. Le point de vue du joueur devient donc l’œil de la caméra. Certains jeux, comme Minecraft, permettent de créer des mouvements fluides et de simuler des travelings, donnant ainsi un rendu intéressant pour le Machinima. Les acteurs, eux, sont les autres joueurs tous connectés en réseau local (LAN) et observés, filmés par le joueur qui record (enregistre). Ces derniers doivent donc suivre le script et jouer pour être à la bonne place et au bon moment.

[4] Vous pouvez trouver les productions des jeunes dans la playlist « Machinima Minecraft » sur la chaîne Youtube de la MJC de Chenôve.

[5] Tapez directement dans la barre de recherche Youtube « machinima GTA5 » pour vous en convaincre. Vous pouvez aussi vous référer aux travaux d’Isabelle Arvers, spécialiste du domaine.

[6] La reproduction a déjà été faite par quelques passionnés. HellBlazer, « Kerbal Space Program | Apollo 11 », in Youtube, 26 août 2017.