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Interviews

“La première des marches”, à l’épreuve de la visio

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Pendant le confinement, les jeunes aspirants réalisateurs accompagnés par l’ACAP se sont retrouvés en visioconférence une fois par mois.

Publié le 25/08/2020, Mis à jour le 01/05/2023

Malgré le confinement, “La première des marches”, accompagnement de l’Acap – pôle régional image en Hauts-de-France pour les jeunes aspirants réalisateurs, n’a pas cessé son activité. Le dispositif se pense comme incubateur dans lequel les participants travaillent leur projet de court métrage pendant une année, en lien avec des professionnels du cinéma. Le programme annuel, basé sur des séances de travail, en groupe et individuelles, s’est poursuivi, une journée par mois, mais à distance. Dorien Heyn Papousek, chargée de mission observatoire et émergence à l’Acap, nous raconte comment se sont déroulées ces séances à distance.

Le Fil des images : Quelles ont été vos motivations pour maintenir les rendez-vous ?

Dorien Heyn Papousek : La construction du dispositif est basée sur la régularité des rendez-vous, qui aide les participants à progresser et à garder l’habitude d’écrire leur dossier de film. Casser cette belle dynamique aurait empêché le bon déroulement du dispositif sur l’année. Par ailleurs, rien dans le format des séances ne s’opposait à maintenir les rendez-vous par visioconférence.

Comment se prépare une séance de visio ?

Dorien Heyn Papousek : On s’y prépare de la même façon que l’habitude ! Quelques jours avant le rendez-vous, les participants et les intervenants lisent les projets des uns et des autres pour pouvoir participer activement aux séances de travail.

L’organisation du temps a dû néanmoins être adaptée. Les séances de groupe qui durent en principe une journée pour l’ensemble des six participants se sont transformées en deux séances, de 3 heures chacune, pour la moitié du groupe. Ceci a permis de garder la qualité des rendez-vous, avec des échanges aisés entre les participants et l’intervenante.

Comment les participants ont-ils vécu ce passage à la visioconférence ?

Dorien Heyn Papousek : Quand nous avons demandé aux participants ce que cela a changé pour eux, ils ont tous regretté, d’une part, la perte des « temps off », qui sont des moments précieux pour échanger entre eux et avec les intervenants. D’autre part, ils ont du adapter leur écoute et leur prise de parole en visioconférence. Pour certains, cela a été clairement bénéfique. En un sens, cette attention a pu permettre d’être plus productifs ou tout simplement plus pertinents dans nos retours sur le travail des autres.

Pouvez-vous préciser ces deux points. À commencer par ces « temps off » que vous évoquez. Qu’est-ce qui s’y joue, habituellement ?

Dorien Heyn Papousek : Pour commencer, avec des rendez-vous à distance on perd en convivialité. Pas de co-voiturage, de café ou de repas ensemble, c’est forcément moins chaleureux ! Cela peut paraître anecdotique, mais en réalité, cela ne l’est pas. Ce sont des temps où les participants ont à la fois de nombreux échanges informels qui leur permettent d’avancer sur leurs projets de court métrage, mais aussi de « construire un groupe » – c’est à dire un petit réseau de personnes, vivant sur un même territoire, avec les mêmes ambitions professionnelles. Ils peuvent s’y inquiéter de détails non résolus dans leurs projets ou juste parler de « l’état du monde ». L’une des participantes a d’ailleurs choisi de maintenir le contact avec quelques participants hors réunion, « car le temps de la visioconférence est trop précieux… » nous a-t’elle dit.

Y a t’il une manière d’être spécifique en visioconférence ?

Dorien Heyn Papousek : La visioconférence oblige à tendre l’oreille, à deviner les expressions des visages un peu floues sur l’écran. La communication non verbale perd beaucoup de sa puissance, ce qui ajoute une difficulté supplémentaire dans la compréhension des uns et des autres. Tout passe, de fait, quasiment par un filtre unique, qui est la communication orale.

L’interaction pendant une visio supporte moins l’improvisation qu’une séance de travail habituelle. Il faut être très au clair de ce que nous voulons dire et trouver le bon moment pour le faire. Cela demande une posture du participant déjà bien affirmée. Une participante exprime « J’ai l’impression que je suis quand même moins réactive, ou je prends moins la parole, pour privilégier la parole de Delphine [Schmit, productrice chez Tripode productions et référente du dispositif]. »

Que souhaitez-vous garder de cette expérience ?

Dorien Heyn Papousek : Cela m’a ouvert les yeux sur les possibilités du travail à distance, à condition que les liens de confiance entre les participants et les intervenants existent déjà. Je peux m’imaginer d’utiliser dans le futur occasionnellement la visioconférence, par exemple pour faciliter le travail avec un professionnel géographiquement éloigné.