Points de vue sur l’éducation aux images
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Retours d’expériences

Maintenir des actions pendant la crise sanitaire

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En période de confinement, pourquoi certains projets se poursuivent… et d’autres non ? L’exemple de quatre projets en régions Nouvelle-Aquitaine et Grand Est.

Publié le 12/11/2020, propos recueillis par Julie DESBIOLLES

Mis à jour le 26/04/2023

Au printemps, nous avions souhaité mettre en lumière des projets, des intervenants, des structures, qui, malgré la situation exceptionnelle que nous traversions, avaient souhaité, et surtout étaient parvenus à maintenir une partie de leurs actions. A l’heure du deuxième confinement il nous a semblé important de poursuivre cette valorisation, en prenant un petit peu de recul sur ce qui avait guidé notre action au printemps. Dans cet article, nous nous sommes demandé pourquoi certains projets avaient pu se poursuivre plus que d’autres. Avec Lena Quelvennec, Coordinatrice du pôle d’éducation aux images Image’Est, Virginie Mespoulet et Emilie Escourido, respectivement coordinatrices du pôle régional d’éducation aux images et des programmes hors temps scolaire à ALCA.

Début juin 2020. Avec la réouverture progressive des écoles, l’activité « visible » reprend doucement. Avec beaucoup de questionnements sur la reprise de certaines actions. Mais la satisfaction, malgré tout, d’avoir réussi à faire vivre une petite partie des projets initialement prévus. A commencer par les projets hors temps scolaire, naturellement…

 

Des projets bien ficelés

 

 

La réactivité. Cela peut sembler un truisme, mais dans le contexte du premier confinement, où tout le monde a du s’adapter, réinventer, de manière extrêmement rapide, les projets qui pouvaient répondre à cette injonction de réactivité ont été les plus facilement réinvestis. Côté Nouvelle-Aquitaine, deux projets ont vite repris. L’un, dénommé « Dans tes rêves » avec l’IDDAC1 à destination d’une Maison d’Enfants à Caractère  Social  (une MECS2), le CRFP3 Don Bosco à Gradignan. L’autre, dénommé « Mano », amorcé dès l’année dernière avec l’association La Boulangerie4 en partenariat avec la Mission Locale de Bordeaux5, poursuivi cette année dans le cadre de Passeurs d’images. « Quand le confinement a été annoncé, nous travaillions sur ces deux projets depuis un certain temps déjà. L’ensemble des établissements partenaires s’étaient rassemblés, tous deux étaient validés (pour « Mano », la commission Passeurs d’images venait d’avoir lieu en février!), les calendriers étaient fixés, les jalons posés et les intervenants avaient même déjà rencontré les participants aux projets ! » Même son de cloche en région Grand Est. « L’un des premiers projets à « résister », à ma connaissance, fut le festival « Les Monstrueuses 48h du Court », organisé par l’association Les Courtisans, Nos Tribus , Le Subversif Cinéma Club et BLIIIDA. Le festival devait commencer quelques jours seulement après le début du confinement, et ils ont réussi à le passer en ligne. » Le cadre et le montage, très forts, de ces projets ont permis de déconstruire et de reconstruire, rapidement, la façon dont ils pourraient être mis en œuvre. Pour « improviser »« Le fait que les projets soient suivis par un pôle et par Passeurs d’images est également, certainement, un plus. Nous avons le regard global sur l’ensemble du projet et ses acteurs. », précise Virginie Mespoulet de l’ALCA.

Visio du projet “Mano” pendant le confinement

Des structures et des participants motivés… et agiles !

Bien sûr, l’improvisation ne vaut que si l’ensemble des parties prenantes est suffisamment engagée dans les projets. Qu’il s’agisse des structures organisatrices, des intervenants, des établissements bénéficiaires, comme des participants.

Virginie poursuit : « Dans le projet « Dans tes rêves », l’investissement très fort des deux intervenantes, Laetitia Aubouy et Anne Dupouy6, et de l’éducateur de la MECS a été moteur pour trouver d’autres modalités pour réaliser ce projet. Elles sont parties sur l’idée de créer une petite plateforme sur laquelle elles mettaient en ligne des petits exercices de prise de vue, des exercices dans lesquels on parlait de soi. Elles ont proposé de questionner la thématique du rêve, de façon à explorer une facette des jeunes qu’ils ont parfois du mal à exprimer et partager. Elles-mêmes ont participé aux exercices. On ne peut pas dire que les jeunes aient réellement répondu (les situations familiales individuelles pouvant être compliquées), mais elles ont tout de même constaté que les films étaient vus, et qu’il y avait donc une espèce de partage, que le lien n’était pas perdu. »

Dans le projet « Mano », le deuxième projet suivi par l’ALCA, je pense que « les intervenants, Gael Lemagnen et Loan Calmon, avaient tout autant « besoin » de ce projet que les jeunes ! C’était leur « petite fenêtre sur le monde » », raconte Emile Escourido. Dans ce projet aussi, les intervenants ont produit quelque chose dans le cadre des exercices qu’ils donnaient, en se livrant à l’autoportrait. « Ça a vraiment aidé. » En complément, des rendez-vous par visio ont été organisés régulièrement, sur les deux projets. Pour échanger, faire groupe.

En Lorraine, Lena Quelvennec témoigne également de l’investissement démultiplié et de l’agilité des associations organisatrices du festival « Les Monstrueuses 48h du Court »7. En plus de la diffusion, en ligne, du programme de courts métrages, l’association a même réussi à inventer, de toutes pièces de nouveaux projets : « des cadavres exquis, la réalisation d’un documentaire, en commun, sur le confinement… ». En revanche, le fait de devoir tout improviser a demandé un investissement considérable de la part des membres de l’association qui, pour partie, sont bénévoles. Tous sont « très contents d’avoir été pro-actifs », mais pas sans mal pour le reste de leurs activités.

L’impératif numérique

Visios, plateformes numériques,… : Avec le recul, l’usage démultiplié des outils du numérique sera, certainement, lui aussi, l’un des truismes du confinement. Outre les initiatives décrites ci-dessus, pour les organisateurs des « Monstrueuses 48h du Court » aussi, la pérennisation de l’événement a été facilitée par une proximité avec des professionnels du numérique et « l’habitude de l’un d’entre eux au télétravail ».

Rêve encore : court métrage réalisé dans le cadre des « Monstrueuses 48h du Court ».

Dans un tout autre contexte, le dispositif Unis Cités, avec lequel Lena a également été en lien, « c’est aussi grâce aux moyens numériques que la délégation régionale8 a réussi à maintenir le lien avec les volontaires, pour qu’ils ne se désengagent pas, et à poursuivre les ciné-débats en ligne ». Au total, 16 ciné-débats ont été organisés et une mini-série de 3 épisodes réalisée sur le sujet grâce à l’aide d’un ancien volontaire, Valentin Pedron.

Le tournage de “Dans tes rêves” a repris au déconfinement.

In fine, le bilan des quatre projets ci-présentés ne serait-il pas si mauvais ? Dans la mesure où garder le lien émerge, finalement, comme l’un des enjeux prioritaires de ce confinement, gageons que le succès est réel. Le projet artistique, lui, a réellement repris lors du déconfinement.

En Nouvelle-Aquitaine, les deux intervenantes du projet « Dans tes rêves » « ont revu les jeunes, un par un, pour discuter de cette thématique du rêve, commencer un petit peu à leur montrer les outils de prise de vue / son. Puis, elles ont profité de sorties en base de loisirs pour retrouver les jeunes en groupe : activité VTT et kayak d’un côté, activité cinéma de l’autre ! » Sur le projet « Mano », les séances ont également repris en présentiel, progressivement. Selon Emilie Escourido, « les porteurs de projet se disent même, a posteriori, que ce confinement était une chance pour eux car cela leur a permis d’avoir des temps, réguliers, dédiés, dans lequel il y avait vraiment des échanges, du collectif. »

En Lorraine, enfin, si la délégation régionale d’Unis Cité se satisfait de n’avoir perdu qu’un volontaire, le festival « Les Monstrueuses 48h du Court » ont même réussi à toucher de nouveaux publics.

Par Amandine Cauchy

[1] Institut départemental du développement artistique et culturel de la Gironde : http://www.iddac.net/. L’objectif de l’IDDAC est de contribuer au développement de l’activité culturelle et artistique au plan départemental, en tenant compte de ses disparités. Son action porte sur le spectacle  vivant et plus  généralement  sur  l’ensemble  du  champ  artistique  et culturel.

[2] Depuis 2011, la Direction de l’Enfance et de la Famille (DPEF), la Direction de la Culture et de la Citoyenneté (DCC) du Département de la Gironde et l’IDDAC animent un dispositif d’interventions culturelles et artistiques au sein des Maisons d’Enfants à Caractère  Social  (MECS)  où  sont  accueillis  environ  1700  enfants  et  jeunes  majeurs confiés à l’aide sociale à l’enfance. Dans ce cadre,  les  projets  élaborés  avec  des  artistes  prennent  la  forme  d’une collaboration  inscrite  dans  le  temps  au  sein  d’une  MECS  et  dans  le  projet artistique de l’auteur. L’œuvre se construit à partir d’une thématique de départ proposée par  la  MECS,  venant  rencontrer  l’univers  de  l’auteur.  Cette  idée  est  retravaillée  et reformulée  avec  l’artiste.  Les  projets  privilégient  dans  leur  méthodologie  la  co-construction,  la  reconnaissance  de  chacun  des  acteurs,  l’ouverture  du  projet  à l’environnement proche.

[3] Centre de rééducation et de formation professionnelle

[4]http://lesateliersdelab.free.fr/laboulangerie.htm

[5] L’objectif est de renforcer la démarche d’accès à des projets audiovisuels et/ou cinématographiques à des jeunes qui en sont éloignés. L’ambition est d’accompagner les jeunes mobilisés dans un travail de réflexion, de création et d’acquisition de compétences dans le domaine tout en encourageant les jeunes dans leur engagement et la construction de leur parcours professionnel.

[6] Représentée par la société de production Kepler22 Productions

[7]  https://www.facebook.com/lesmonstreuses48hducourtdemetz/. Voir les vidéos réalisées pendant le festival : https://www.youtube.com/channel/UCVmkxGWdyAFaz1UCoFyqQ4g/videos

[8] L’association Unis Cité a objectif d’organiser et de promouvoir le service civique des jeunes en France. La délégation régionale Unis Cité – Metz – Cinéma et Citoyenneté s’inscrit dans le cadre du grand programme « Citoyens de la Culture » et du projet de volontaires Cinéma & Citoyenneté, dans lequel les volontaires se voient confier l’animation de séances ciné-débats : https://www.uniscite.fr/missions-service-civique/volontaires-cinema-citoyennete/. Voir la mini série réalisée par Unis Cité – Metz – Cinéma et Citoyenneté : https://www.youtube.com/channel/UCqbCGmpSj9uoteJMxadF_7Q