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Retours d’expériences

Travailler le son en atelier

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Atelier d’écoute, de bruitage, de doublage, fiction ou documentaire radiophoniques, parcours sonore, audio description, musique de films, ciné-concert… De multiples formes qui peuvent être explorées lors d’un atelier de pratique.

Publié le 12/10/2020, Mis à jour le 01/05/2023

Si le son fait ces dernières années en France l’objet d’un nouvel engouement avec la popularisation du podcast ou le développement des sound studies, la diversité de la création sonore, sa pratique et son étude demeurent assez méconnues et peu diffusées. Pourtant le son et l’écoute sont omniprésents dans notre quotidien, et essentiels dans l’appréhension de notre environnement. Matière sensible s’il en est, insaisissable et pourtant si prégnante, le son constitue un moyen privilégié de témoigner du réel et d’ouvrir à l’imaginaire. Atelier d’écoute, de bruitage, de doublage, fiction ou documentaire radiophoniques, parcours sonore, audio description, musique de films, ciné-concert… Il existe de multiples formes qui peuvent être explorées lors d’un atelier de pratique, afin de réaliser que le son ouvre dans la création un espace de sens et de sensation bien aussi riche que celui de l’image. Boris Gobin puise dans son expérience d’ateliers et de réalisations sonores pour nous livrer de précieuses idées, recommandations et ressources pour mener à bien un atelier autour du son.

COMMENT ABORDER LE SON EN ATELIER ?

Une pratique de l’écoute

Travailler le son, c’est d’abord travailler l’écoute, cette attention particulière au monde et à l’autre. J’ai pris l’habitude de démarrer le travail en atelier en proposant aux participant.e.s de faire le silence pendant quelques minutes. Cette expérience d’écoute singulière pour tout le groupe est l’occasion de se rendre compte que le silence est quelque chose de bien relatif, et que d’innombrables sons nous entourent sans qu’on y prête forcément l’oreille. À partir de cette expérience, on peut alors lister l’ensemble des sons que l’on a pu entendre, les catégoriser, réaliser une représentation spatiale sur une feuille de papier, tenter de les qualifier, de mettre des mots sur les sensations qu’ils produisent, mais aussi comparer nos différentes écoutes, toujours équivoques.
Cette expérience nous apprend que l’écoute est mue par une double tendance : elle est toujours alerte aux surgissements, en même temps qu’elle choisit et se déplace continuellement. J’écoute ce que je désire entendre, comme lors de cette conversation au café avec un.e ami.e où je fais abstraction du brouhaha de la salle, du vrombissement des voitures qui passent à l’extérieur, du ronflement du percolateur, du bourdonnement du néon au-dessus de ma tête, de la conversation de la table d’à côté, et de la multitude d’autres sons qui résonnent dans l’espace, sans quoi je serai proprement incapable de tenir cette conversation.

De nombreuses autres activités ludiques permettent d’appréhender le sonore : jeux de sons (bataille de bruits de bouches, blind test sonore…) ou tentative d’épuisement du potentiel sonore d’un objet. Dans son livre Le son bien entendu ! le compositeur et théoricien du son R. Murray Schafer, précurseur de l’écologie sonore, en propose pas moins de 98.

Ecouter collectivement des créations sonores est également une manière pour les participant.e.s de découvrir des formes auxquelles iels ne sont pas forcément habitué.e.s, et d’ouvrir les possibles de la création sonore en réfléchissant à la façon dont elles sont élaborées. Thomas Guillaud-Bataille suggère par exemple des pistes pédagogiques pour animer une séance d’écoute en classe à travers une sélection de productions d’Arte Radio.

Au cinéma, écouter les films permet de révéler tout le potentiel expressif, dramaturgique, et sensible de la bande-son. En répertoriant les éléments qui la composent (voix in et off, ambiances, sons seuls et bruitages, musique), on fait apparaître sa fabrication et on s’interroge sur le rôle de chacun d’entre eux. En changeant la bande-son d’une séquence, en écoutant le son sans l’image, en regardant l’image sans le son, en repérant leurs écarts et leurs tensions, on explore les liens qu’ils entretiennent.

Enfin, le passage à la pratique et la découverte des outils de prise de son par les participant.e.s suscitent souvent la fascination et l’émerveillement : envie de tout écouter, impression de redécouvrir les sons qui les entourent ou qu’iels produisent. Car on ne perçoit pas de la même manière le monde au travers du filtre d’un micro et d’un casque. Ils restituent une réalité bien différente de celle qui bruisse habituellement à nos tympans, et font apparaître des sons jusque là imperceptibles. La conversation si claire à mes oreilles est désormais à peine audible sous le brouhaha de la rue, le bruissement des feuilles animées par le vent se transforme en masse informe de saturations, du petit frétillement des épingles sur le fil à linge, il ne reste rien sur le fichier son, et d’un coup je perçois la radio de mon voisin à travers la cloison de l’appartement. Le dispositif technique de la prise de son implique dès lors un déplacement, intellectuel et physique, pour « faire entendre ». Au même titre qu’il existe un point de vue – entendu comme l’endroit physique d’où l’on voit et la construction d’un regard subjectif sur une situation – on construit alors ce qu’on pourrait appeler un « point d’écoute », qui constitue le point de départ d’une écriture et d’un geste artistique.

Prise de son, montage, restitution : quelques conseils pratiques

Dans son dispositif technique le plus rudimentaire, il existe des outils dont le fonctionnement peut être assimilé très rapidement par les participant.e.s.

 

Etape 1 : La prise de son

On trouve des enregistreurs portables bon marché avec micros intégrés très simple à utiliser, mais aussi des smartphones (qu’on peut accompagner de petits micros accessoires), qui permettent de réaliser des prises de sons correctes.
Il convient toutefois d’avoir en tête plusieurs paramètres à ne pas négliger lors de l’enregistrement. Sa qualité est en effet primordiale pour son audibilité, le confort d’écoute et pour que la magie opère.

  • Le moment et le lieu doivent être choisis attentivement pour éviter un environnement trop bruyant. (Sauf s’il s’agit évidemment du son que l’on souhaite enregistrer.) En intérieur, on se méfiera également des frigos, des souffleries, chauffages et autres climatisations qui sont autant de bruits parasites que l’on oublie parfois. Attention également au vent en extérieur, mais aussi au souffle de la personne enregistrée, si on n’est pas équipé d’une bonnette (cette boule de poil ou de mousse qui atténue leur impact sur le micro). Et aussi aux sons de manipulation de l’appareil, qui se retrouveront malgré nous sur le fichier son.
  • Un son saturé, déformé par un enregistrement à un volume trop élevé, demeurera difficilement exploitable. De même qu’un son enregistré à un volume trop faible, qui devra être augmenté au montage, donnera lieu à un souffle important. Mais on peut aussi bien se saisir et s’amuser de ces aberrations sonores. On ne peut pas par ailleurs faire disparaître un son ou une « couche » d’un enregistrement, même si un mixage minutieux nécessitant de véritables compétences techniques peut toutefois permettre d’éliminer certaines fréquences.
  • Pour obtenir un son clair et isolé, il convient de s’approcher le plus près possible de la source.
  • Et pour éviter tous les écueils cités plus haut, on peut d’abord faire des essais et ne pas hésiter à faire plusieurs prises.
  • Bien sûr, on réalisera ses prises de son, le casque sur les oreilles, en vérifiant bien qu’on est en train d’enregistrer (un oubli plus fréquent qu’on ne le croit !).

Enfin, je conseille toujours aux participant.e.s de ne rien effacer. Ce qui peut nous paraître sans grand intérêt finira parfois dans le montage final. Et une écoute critique de ses enregistrements, qui peut d’ailleurs se faire collectivement quand le temps le permet, constitue le meilleur des apprentissages.

Il existe d’autre part de nombreuses banques de sons libres de droit, en creative commons ou restreintes à une utilisation dans un cadre éducatif, qui permettent de faire l’expérience du sonore sans passer par l’étape de l’enregistrement, ou d’enrichir des productions. Citons notamment Freesound ou BBC Sound Effects.

Etape 2 : Le montage

Le montage demande du temps, de la concentration et du matériel informatique qu’il n’est pas toujours évident d’obtenir dans le cadre d’un atelier. On tâtonne, on essaye, on refait, on réécoute. Le premier temps d’écoute et de sélection de la matière enregistrée, communément appelée «dérushage», peut notamment être éprouvant. On ne peut pas faire « d’arrêt » sur un son comme c’est le cas avec l’image, ni véritablement le passer en accéléré. C’est pourquoi le montage est souvent réalisé par les intervenant.e.s, ou on essaie de trouver des formes aux tournages qui en nécessitent peu. On peut également imaginer arriver avec une première sélection, pré-monter des éléments, ou effectuer le montage collectivement, en appliquant les indications des participant.e.s devant une vidéo-projection par exemple.
Il existe deux logiciels de montage son gratuits et assez simples à prendre en main : Audacity, malgré une interface peu pratique et des fonctions limitées, et surtout Reaper, plus professionnel mais très intuitif. On peut trouver facilement en ligne des modes d’emploi et des tutoriels de ces logiciels.

 

Etape 3 : La restitution

Une fois la production finalisée, c’est le temps de la restitution.

Les séances d’écoute collective sont une expérience toujours singulière, et il existe de nombreuses plateformes en ligne qui permettent d’héberger des productions sonores.

  • La plus connue est Soundcloud, gratuite jusqu’à deux heures de contenus uploadés.
  • Les Audioblogs d’Arte Radio, plébiscités notamment pour les productions d’atelier, sont totalement gratuits, sans limite de stockage, et très simples à utiliser.
  • Et si le projet s’y prête, la restitution peut également prendre la forme d’une mise en espace : bornes d’écoute, promenade sonore, audiomap en ligne.

A noter enfin que le droit à la voix, souvent méconnu, est cependant régi par les mêmes obligations juridiques que le droit à l’image. Si un micro impressionne souvent moins qu’une caméra, et que les personnes sont souvent plus enclines à être enregistrées qu’à être filmées, l’image sonore constitue un attribut de la personnalité au même titre que l’image visuelle. Un son répond d’autre part aux mêmes exigences de droits d’auteur.rice qu’un texte ou une image. Toute diffusion nécessite ainsi l’accord des participant.e.s (ou de leur représentant.e légal.e s’iels sont mineur.e.s) et/ou des auteur.rices des sons enregistrés.

La rubrique « Les ingénieux du son » animée par Thomas Guillaud-Bataille sur le site des audioblogs d’Arte radio recèle d’articles qui donnent de précieux conseils sur le matériel, la prise de son, le montage, le mixage, ou l’animation d’un atelier de création sonore, comme de petits exercices pour initier à la prise de son.

PANORAMA DE PROJETS

Focus sur cinq projets atypiques qui travaillent le son en atelier, en explorant plusieurs champs du sonore, dans des cadres et sur des territoires différents.

 

Découvrir l’art du bruitage : Et je remets le son ! par Marie Denizot.

Marie Denizot est compositrice et ingénieure du son et mène depuis une quinzaine d’années des ateliers de sonorisation de films en région Centre-Val de Loire. Elle propose aux participant.e.s de recréer une bande-son sur des images déjà existantes de films muets et de films d’animation. Accompagnés de sa valise de bruitages et ce qui est à leur disposition, c’est avec toute sorte d’objets parfois insolites que les participant.e.s vont bruiter une séquence. En explorant leurs potentiels sonores, ils découvrent par exemple qu’une bouillotte permet d’imiter un dérapage de voiture, ou que deux moitiés de coque de noix de coco frappées l’une contre l’autre simulent merveilleusement le pas du cheval. Au-delà d’un rapport purement illustratif, le choix d’un objet et d’un son va produire une sensation différente chez les spectateur.rice.s et relève d’une intention. Le bruitage constitue ainsi un véritable travail de création, qui nécessite souvent beaucoup d’ingéniosité pour trouver les sons adéquats. En faisant l’expérience de la fabrication d’une bande sonore, les participant.e.s prennent ainsi conscience de tout le travail et des artefacts qu’elle implique, et ne les écouteront sûrement plus vraiment de la même manière !

Une élaboration que nous pouvons voir à l’oeuvre dans une vidéo réalisée en 2014 par Ciclic, l’agence régionale pour le livre, l’image et la culture numérique Centre-Val de Loire, lors d’un atelier bruitage mené par Marie Denizot. On peut également visionner le travail de sonorisation d’une séquence de Blow Out de Brian De Palma réalisé à une autre occasion par des lycéens et des apprentis de la région.

Il existe par ailleurs de nombreux reportages aussi intéressants qu’amusants sur les métiers de bruiteur.euse et de sound-designer, comme la série de podcasts Ecouter le cinéma que leur a consacré Laetitia Duart pour Arte Radio en 2019, la série de vidéos Les coulisses du son produites pendant l’été 2019 par Télérama, ou encore le reportage Dans l’ombre, les bruiteurs de cinéma en danger, réalisé par Elodie Font pour Boxsons en 2017.

Faire parler un lieu : Le jardin sonore par Ambre Lavandier

Dans le cadre du dispositif « C’est mon patrimoine », l’artiste Ambre Lavandier a été invitée par l’IMEC (Institut Mémoires des Écritures Contemporaines) à imaginer un atelier sonore avec les jeunes du centre d’animation AMVD de Caen. Ils ont ensemble créé un jardin sonore installé dans le parc de l’abbaye d’Ardenne au début de l’été 2019. Les enfants ont eu pour mission de faire parler ce lieu d’Histoire rempli d’histoires, abritant des milliers de manuscrits d’œuvres littéraires et poétiques. Pour cela, Ambre Lavandier leur a proposé plusieurs petits dispositifs. Dans une première approche du lieu et du matériel de prise de son, les enfants équipés d’un casque et d’un enregistreur sont parti.e.s à la chasse aux sons dans l’enceinte de l’abbaye, avec chacun.e en poche une consigne : « un son rigolo », « un son riquiqui », « un son qui vole », « un son qui rebondit », « un son plus grand que moi »… Elle leur a ensuite proposé de faire parler les livres. Par des lectures, des jeux de voix, des mises en son de texte, mais aussi en malmenant l’objet, iels ont fait l’expérience d’épuiser les possibilités de sons que peuvent produire un livre.

Les enfants ont également questionné les hommes et les femmes qui font ce lieu en y travaillant tous les jours. Archivistes, historien, jardinier… Tout le monde partage ses souvenirs de lecture, ses impressions sur le lieu, il est question de poésie, de pokemon et des poissons du grand bassin.
Après avoir parcouru l’abbaye, iels s’adressent aux futur.e.s visiteur.euse.s du jardin sonore à travers le micro et leur livrent les anecdotes et les secrets du lieu. Iels ont pour consigne de décrire le plus précisément ce qu’iels voient, si bien que les auditeur.rice.s pourraient avoir l’impression de déambuler dans ce lieu immense sans même quitter le jardin. Bien sûr, tous les ajouts imaginaires sont permis…
À la fin de l’atelier, quatre points d’écoute ont été installés à travers le jardin de l’abbaye d’Ardenne durant le mois d’août et lors des Journées du Patrimoine. Les visiteur.euse.s-promeneur.euse.s, accompagné.e.s d’une carte réalisée par les jeunes, se sont laissé.e.s interpeller par leurs voix et leurs histoires. Au milieu du parcours, on entend des questions : « Qu’est-ce que tu fais là ? », « C’est quoi le dernier livre que tu as lu ? », « Combien tu as de livres chez toi ? », « Est-ce que c’est ta vraie couleur…? »…

Ré-inventer le réel : Demain s’ouvre au pied-de-biche par Alexandre Plank

En résidence d’artiste au lycée Jean-Marie Le Bris de Douarnenez en 2017, Alexandre Plank, réalisateur de fictions radiophoniques, notamment pour France Culture, a accompagné les élèves d’une classe de 1ère dans la réalisation d’une fiction radiophonique. Alors que l’année est marquée par l’élection présidentielle, Alexandre Plank leur propose de découvrir l’univers de la radio en se questionnant sur le fait politique.

Les élèves ont ainsi imaginé qu’aucun.e des citoyen.ne de Douarnenez ne s’était rendu.e aux urnes le jour des élections : l’État rompt alors tous ses liens avec la ville, qui fait sécession. Les adolescent.e·s vont à la rencontre des habitant.e.s de Douarnenez, leurs camarades, les enfants, les résident.e.s de la maison de retraite, et s’interrogent ensemble sur leur ville et leurs aspirations. Mu.e.s par le désir de proposer de nouvelles alternatives et d’autres manières de vivre ensemble, iels fouillent le passé de la ville et ré-inventent joyeusement le monde de demain. Une utopie radiophonique pleine d’humour dans lequel ils témoignent des difficultés à faire société, comme de celles qu’ils ont rencontrés pendant le tournage.

L’atelier a donné lieu à une émission de radio, Demain et puis quoi… ?, enregistrée en direct et en public à la médiathèque de Douarnenez, avec des invité.e·s, des textes mis en musique et des reportages, ainsi qu’à une création sonore de 45 minutes, Demain s’ouvre au pied-de-biche. L’expérience a également été documentée sur un blog dédié.

 

Cartographier son quartier : Chapelle Baw par le collectif MU

Chapelle Baw est un parcours sonore géolocalisé réalisé en 2018 par les élèves de la classe de 4ème Sonnet du Collège Daniel Mayer situé dans le 18ème arrondissement de Paris. Iels ont choisi d’interroger la vie et les transformations urbaines du quartier, en partant à la rencontre de ses habitant.e.s et de son environnement sonore. Accompagné.e.s par Lucie Bortot, Antoine Bougeard, Luce Lenoir et Simon Pochet du collectif MU, et leurs professeurs d’histoire-géographie et de musique, les élèves ont arpenté les lieux qu’iels fréquentent et sont allé.e.s à la découverte d’endroits méconnus. Initié.e.s à plusieurs techniques d’enregistrement, iels ont réalisé des entretiens, des paysages sonores et des compositions musicales.
A travers de courtes créations sonores, iels donnent ainsi à entendre leur quotidien, racontent le passé et questionnent le futur d’une aire urbaine en plein bouleversement. Elles ont ensuite été mises en espace sur l’application pour smartphone SoundWays, développé par le collectif MU. Sans point de départ ou d’arrivée, le parcours sonore propose à l’auditeur.rice une déambulation libre et une écoute spatialisée en fonction de son trajet, de son orientation et de sa géolocalisation dans le quartier. Traversant des « bulles » sonores, iel réalise un montage avec son propre corps : ce sont ses déplacements qui font s’entremêler ou se succéder les différentes créations des adolescent·e·s. Le parcours peut également être effectué virtuellement depuis chez soi.

Donner à entendre les images : les ateliers d’audiodescription par Bruno Darles

Depuis dix ans, Bruno Darles, professeur de cinéma-audiovisuel et d’arts appliqués au lycée Saint-Nicolas à Paris, mène avec ses élèves des ateliers d’audiodescription. Cette technique permet de rendre accessible des films à des personnes non- ou mal-voyantes, à travers une voix-off entrelacée à la bande sonore qui donne à entendre ce que celle-ci ne permet pas de saisir de la situation et de la mise en scène.

Chaque année, des élèves du lycée Saint-Nicolas et de l’institut National des Jeunes Aveugles travaillent ainsi ensemble à l’écriture, l’enregistrement et le montage de l’audiodescription d’un court-métrage.

A partir de nombreux visionnages, iels s’appuient sur leurs expériences mutuelles du film pour déterminer quels éléments visuels nécessitent d’être signifiés. Un exercice d’autant plus complexe puisqu’il s’agit d’enregistrer une voix-off suffisamment concise, claire et précise, qui devra se mêler à la bande sonore du film sans en gêner le déroulement, en trouvant des indications simples et évocatrices sur le décor, l’expression, la démarche ou les costumes des personnages, les cadres et les mouvements de caméra… Ne pouvant tout décrire, les élèves sont alors confronté.e.s à des choix difficiles.

Cette rencontre et les échanges qui en découlent devant l’écran donnent progressivement accès au film aux jeunes non- et mal-voyant.e.s et les impliquent en première ligne dans la création d’un contenu qui leur est destiné. Ils révèlent en même temps aux élèves voyant.e.s tous le sens et les sensations qui passent par la bande sonore et qui ne sera pas nécessaire de redoubler dans le texte enregistré.

Pour Bruno Darles, audio-décrire un film fut d’abord un moyen de travailler des questions de cinéma. Cette pratique constitue en effet un véritable travail d’analyse filmique, qui dépasse la simple description des actions à l’image et nécessite de comprendre les enjeux du film pour transmettre les intentions de réalisation.
A la suite d’un partenariat avec le festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand, Bruno Darles coordonne depuis 2014 durant l’événement des séances d’audiodescription ouvertes à tou.te.s, et y invite chaque année d’autres établissements scolaires à audio décrire des films sélectionnés avec l’équipe du festival. Des séances qui ouvrent en outre à des spectateur.trice.s non- ou mal-voyant.e.s le champ du court-métrage, où l’audiodescription est peu développée.

En décembre 2014, le Fil des images réalisait un reportage sur la première rencontre entre les deux classes, réunies pour finaliser leur travail commun d’audiodescription du court-métrage Les heures blanches de Karim Bensalah, accompagné par la scénariste et audio descriptrice Marie Diagne.

Par Boris Gobin

Ressources pédagogiques

Radio et pédagogie – festival Longueur d’Ondes 2018
A l’occasion de Longueur d’Ondes, festival de la radio et de l’écoute à Brest, Guillaume Abgrall du GSARA fait dialoguer Thomas Guillaud-Bataille, Mariannick Bellot, Hélène Coeur, Katharina Kraus et Alexandre Plank autour de leurs expériences d’ateliers sonores.

Thomas Guillaud-Bataille, auteur sonore et coordinateur des audioblogs d’ARTE Radio, a réalisé sur leur site plusieurs fiches pédagogiques :
Jeux de sons – bruits de bouches et blind test
Animer un atelier de création sonore – comment initier les élèves à l’art du bruit
Animer une séance d’écoute en classe
Initier à la prise de son

L’oeil à l’écoute – outils et documents pédagogiques
L’oeil à l’écoute est une association d’éducation populaire ancrée en Seine-Saint-Denis, créée en réaction au traitement médiatique des événements de 2005 dans le département. S’appuyant sur quinze ans d’action radiophonique, elle a notamment développé une mallette pédagogique afin de permettre à tout un chacun.e de mettre en œuvre des ateliers sonores à travers des ressources et des outils pédagogiques.
On peut également lire l’article que Clément Baudet a consacré à l’association sur syntone.fr en janvier 2018 : « L’oeil à l’écoute », 12 ans d’éducation populaire et radiophonique

GSARA Bruxelles – Guide pratique de l’atelier radio
Le GSARA Bruxelles, association qui met la pratique de l’audiovisuel au service de la réflexion, de la rencontre et de la participation, a édité en 2016 un manuel disponible en ligne qui propose de nombreuses ressources ainsi que des fiches pédagogiques.

Nicolas Frize (sous la dir. de), Ecoute, écoute : invitation à l’écoute, éveil à l’environnement sonore, CNDP-SCEREN, 2008
Le CNDP-SCEREN (désormais Réseau Canopé) est à l’origine d’un recueil pédagogique paru en 2008 destiné à la sensibilisation des enseignant.e.s aux questions d’écoute et d’éveil aux environnements sonores, réalisé par un groupe de travail sous la direction du compositeur Nicolas Frize.

R. Murray Schafer, Le son bien entendu ! Appréhender le sonore en 98 activités, CNDP-SCEREN, 2016
R. Murray Schafer, compositeur et théoricien du son qui a forgé le concept de « soundscape » (traduit par l’expression « paysage sonore » en français), est aussi l’auteur d’un foisonnant recueil qui propose de nombreuses activités inspirantes à expérimenter dans le cadre d’ateliers.
Aujourd’hui épuisé, l’ouvrage est disponible en version numérique sur le site du réseau Canopé.

Aller plus loin

  • S’initier à la création sonore

Syntone – premier pas dans la création sonore
Une émission enregistrée à l’occasion des 20 ans de Radio Campus Paris en juin 2018 où Etienne Noiseau de la revue Syntone s’entretient avec Emily Vallat de L’Oeil à l’écoute, Anna Buy, participante d’Utopie Sonore, et Thomas Guillaud-Bataille, coordinateur des Audioblogs d’ARTE Radio.
Syntone est une revue en ligne (aujourd’hui en sommeil) d’actualité et de critique de l’art radiophonique et de l’écoute. Elle a également édité pendant plusieurs années un trimestriel, Les Carnets de Syntone.

L’ADDOR (association pour le développement du documentaire radio et de la création sonore) a édité en 2017 un Guide du documentariste sonore, qui recense les formations, les festivals, les financements, les espaces de diffusion, les modes de rémunération ainsi que les outils pour débuter.

La rubrique « Les ingénieux du son », animée par Thomas Guillaud-Bataille sur le site des Audioblogs d’Arte Radio, propose plusieurs articles pour se former à la création sonore :
Tu enregistreras : bien choisir son matériel d’enregistrement
Prise de son : les 15 erreurs du débutant
Montage audio : quels logiciels choisir ?
Montage audio : 15 conseils aux débutants
Mixage radio : 10 conseils aux débutants
Créer une cartographie sonore

Le site pédagogique sonore visuel est consacré à l’histoire et à l’actualité des arts audiovisuels dans leur acception la plus large. Il explore le rapport image/son dans l’art à travers une sélection d’artistes et d’œuvres.

 

  • Ecouter de la création sonore

On pourra promener ses oreilles sur les sites d’ARTE Radio, de Phaune Radio, de l’Atelier de Création Sonore et Radiophonique, Sonosphère, Silence Radio, Le Grain des choses, Boxsons, Magneto, Réverbération, Radio Parleur, *DUUU Radio, Jef Klak…

Egalement écouter, en FM ou en podcast, des émissions comme Les Pieds sur Terre, LSD – La Série Documentaire ou L’Expérience sur France Culture, Par-Ouï Dire sur RTBF-La Première (Belgique), Le Labo sur la RTS-Espace 2 (Suisse), L’Art de l’écoute sur Radio Grenouille, et s’intéresser plus largement aux productions et aux actions pédagogiques de nombreuses radios associatives : Radio Campus Paris et toutes les antennes du réseau national Radio Campus, Radio Panik (Bruxelles), Radio Zinzine (Forcalquier – Aix), Jet FM (Nantes), Radio Canut (Lyon), Radio Grenouille / Euphonia (Marseille) Radio Galère (Marseille), Radio Saint-Ferréol, la Radio des Suds (Arles), Radio Vassivière, Vos Gueules Les Mouettes (Douarnenez)…

Aller faire un tour dans les festivals sonores : Longueur d’Ondes à Brest, Phonurgia Nova Awards et Les Yeux Ouverts à Paris, Constellation à Montreuil, Sonor et Utopie Sonore à Nantes, Ear You Are à Bruxelles, le concours en ligne 60 secondes radio, et les nombreux festivals de films documentaires qui proposent une programmation de création sonore.

Naviguer sur les pages d’associations et de collectifs sonores, qui pour la plupart réalisent également des actions pédagogiques ou participatives : Faïdos Sonore (Toulouse), collectif MU (Paris), Monobloc, Desartssonnants, La Bande (Marseille), Le Bruitagène (Nantes), Asu (Nantes), l’OUFIPO (Brest) L’Orage (Marseille), Radio Activité, Copie Carbone (Marseille), Transmission (Aubervilliers), Espaces Sonores (Toulouse) Les Obliques, La Disquette (Toulouse)…

Bibliographie sélective

ADORNO Theodor, Current of music. Éléments pour une théorie de la radio., Édition de la Maison des Sciences de l’Homme / Les presses de l’université Laval, 2010.
ARNHEIM Rudolph, Radio,Van Dieren, 2005
ATTALI, Jacques, Bruits, PUF, 1977
BACHELARD Gaston, « Rêverie et radio », in Le Droit de rêver, PUF, 1970
BARTHES Roland, Le grain de la voix : entretiens, 1962-1980, Éditions du Seuil, 1999
BAUMGARTNER Thomas, Le Goût de la radio et autres sons, Mercure de France, 2013
BRESSON Robert, Notes sur le cinématographe, Gallimard, 1975
CASSAGNAU Pascale, Une idée du Nord. Excursions dans la création sonore contemporaine, Beaux-arts de Paris éditions, 2014
CASTANT, Alexandre, Planètes sonores, radiophonie, arts, cinéma, Mongraphik éditions, 2007
CHION Michel, Le promeneur écoutant : essai d’acoulogie, éd. Plume, 1993.
CHION Michel, Le Son au cinéma, éditions des Cahiers du cinéma, 1994
CHION Michel, Un art sonore, le cinéma. Histoire esthétique, poétique, Cahiers du cinéma, 2003
CHION Michel, Le Son, Armand Colin, 2004
CHION Michel, L’Audio-vision, image et son au cinéma, Armand Colin, 2005
COLLECTIF, Les geste radiophonique, audiographie d’un atelier, acsr / La Villa Hermosa, 2016
DELEU Christophe, Le Documentaire radiophonique, L’Harmattan / INA, 2013
DESHAYS Daniel, Pour une écriture du son, Klincksieck, 2006
DESHAYS Daniel, « Les territoires du sonore », in La Revue Documentaires n°21 – Le son documenté, 2007
DESHAYS Daniel, Entendre le cinéma, Klincksieck, 2010
DESHAYS Daniel, Sous l’avidité de mon oreille, Klincksieck, 2018
FARABET René, Bref éloge du coup de tonnerre et du bruit d’ailes, Phonurgia Nova, 1994
FARABET René, Le son nomade, Lucie Editions, 2016
JULLIER Laurent, Le son au cinéma, Cahiers du cinéma / SCEREN-CNDP, 2006
LEBLET Christian (sous la dir. de), Carnet d’écoute, Phonurgia Nova / Centre Pompidou, 2004
MCLUHAN Marshall, Pour comprendre les médias, Éditions du Seuil, 1977
MORTLEY Kaye, La Tentation du son, Phonurgia Nova, 2013
MOUËLLIC Gilles, La musique de film, Cahiers du cinéma / SCEREN-CNDP, 2006
NANCY Jean-Luc, A l’écoute, Gallilée, 2002
SCHAFER R. Murray, Le paysage sonore, Wildproject, 2010
ROSSET Christian (sous la dir. de), Yann Paranthoën, l’art de la radio, Phonurgia Nova, 2009
RUSSOLO Luigi, L’art des bruits, Allia, 2009
STERNE Jonathan, Une histoire de la modernité sonore, la Découverte / Philharmonie de Paris, 2015
SZENDY, Peter, Ecoute, une histoire de nos oreilles, Les Editions de Minuit, 2001
VEINSTEIN Alain, Yann Paranthoën : propos d’un tailleur de son, Phonurgia Nova, 2002
VEINSTEIN Alain, Radio sauvage, Seuil, 2010
VOLCLER Juliette, Le son comme arme. Les usages policiers et militaires du son, La Découverte, 2011
VOLCLER Juliette, Contrôle. Comment s’inventa l’art de la manipulation sonore, La Découverte, 2017

  • Pour des recherches plus détaillées et approfondies, Pierre Lavoie a réalisé pour le laboratoire La Création Sonore de l’Université de Montréal la bibliographie sans doute la plus exhaustive de publications en langues française et anglaise autour du son (plus de 800 références).
  • On peut également lire les entretiens que Thomas Guillaud-Bataille réalise avec des créateurs.trices sonores sur le site des Audioblogs d’Arte Radio.
  • Ou regarder l’une des multiples conférences de Daniel Deshays :

L’image sonore – Université de tous les savoirs – 2004
L’écriture du son au cinéma – Rencontres nationales des pôles régionaux d’éducation et de formations au images – 2015
Le silence dans les images – BNF – 2017
Le son, un lieu de liberté – Université Aix-Marseille – 2019