Une expérience de création et d’éducation basée sur la transformation d’images d’archives, issue de la méthodologie Images en mémoire, Images en miroir.
Publié le 01/06/2018, Mis à jour le 25/07/2023
La méthodologie Images en mémoire, images en miroir a été imaginée et mise en œuvre par l’association Lieux fictifs. Des éléments de contexte sont disponibles sur le site de l’association : Images en mémoire, images en miroir et dans notre article, Avec les images des autres. L’archive est ici convoquée avec l’idée de confronter les participant.e.s à une mémoire et à un patrimoine collectif, leur permettre de s’inscrire et de se penser dans l’histoire contemporaine. « Quel regard je porte sur les images d’archive ? Comment ces images font écho à ma propre histoire ? »
En 2016, un atelier exploratoire est mené par Lieux Fictifs à Marseille avec des jeunes suivis par le Service Territorial d’éducation et d’insertion de Marseille (STEI): Habiter la ville Habiter une image.
Ce dernier a été co-élaboré par un professeur technique de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) et des réalisateur.rice.s associés à Lieux Fictifs. Il a été une des expérimentations de la méthodologie Images en mémoire, images en miroir initiée par Lieux Fictifs en partenariat avec l’Ina. Cette méthodologie se décline également, de 2016 à 2018, en tant que dispositif national d’éducation dans trois régions de France (avec le soutien du Centre national du cinéma et de l’image animée).
L’atelier prototype Habiter la ville Habiter une image été développé dans le cadre de l’appel à projet « Action culturelle au service de la maîtrise de la langue Française » (Ministère de la Culture et de la Communication) et a donné lieu à la réalisation d’un jalon pédagogique, résultat d’un travail d’analyse mené par Leïla Delannoy (sociologue-SOPHIAPOL) et Pascal Cesaro (maître de conférences cinéma – PRISM).
Cet outil numérique permet la formalisation de principes d’action liés à des processus de création et d’éducation qui reposent sur le réemploi d’images d’archives dans la réalisation de courts-métrages. Cette matière visuelle préexistante s’attrape ici, au creux de règles du jeu qui oscillent entre le secret et le révélé, entre une série de contraintes et des effets libératoires, comme un réservoir de potentialités de récits. Les images sont saisies dans la singularité des rapports sensibles que leur visionnage déclenche, décontextualisées, ouvrant la voie à de multiples agencements et réagencements.
Questions de langage, d’expression, de pluralisation des schèmes de pensée et de perception… l’éducation à l’image procède par recyclage d’images d’archives, à rebours de la surproduction et de la surconsommation d’images standardisées, des quadrillages narratifs, faisant émerger chez les participants d’autres lectures du monde, d’autres possibilités de se situer dans celui-ci.
Retour des éducatrices
« Le projet Habiter la Ville Habiter une image a permis de créer une espèce d’espace différent, dans lequel il n’y a pas de note, pas d’évaluation, de rapports aux magistrats, aux parents. C’est comme un espace parallèle. C’est un parcours à explorer ensemble, et qui est gratuit, dégagé des enjeux judiciaires, familiaux. C’est un espace à eux, dans lequel on leur demande plus un travail personnel. Le projet a généré le fait qu’on a eu le sentiment partagé d’avoir un secret en commun, il a créé une sorte de communauté.»
« Les adolescents ont su développer une grande capacité à accepter le regard de l’adulte ; regard critique et exigeant mais toujours bienveillant.
Nous avons été surprises de voir que les jeunes n’étaient pas déstabilisés par les images d’archives, avec une découverte sans le son, ils se sont très vite mis dans le regard, et dans les questionnements.
Aucun jeune n’a refusé les règles du jeu. Le rythme de visionnage était bien adapté. Surtout, pour une fois, ils avaient le choix, on attendait quelque chose d’eux, c’était eux, et seulement eux qui devaient choisir les 4 images, on te demande ton avis.
Le jeu, le secret, c’est comme un petit cérémoniel, ça fonctionne, c’est ludique. Et dans cette grande souplesse aussi, le choix des images, les écritures, les moments conviviaux, en même temps, on travaille l’acceptation des limites. »
« Au final, on note une vraie fierté d’avoir abouti. Les jeunes ne l’expriment pas facilement, mais ça se voit dans leur présence à la restitution, leur investissement sur la durée de l’action, leur engagement, le fait d’en reparler, l’émotion d’inviter un autre adulte encadrant au cinéma pour la restitution, le fait de réclamer le dvd des films […] Les jeunes se sont connectés à eux-mêmes, sans chercher le bon point. »
Cet article est issu du catalogue Que peut encore le cinéma ? (oct.2017), réalisé par le cinéma L’Alhambra à Marseille dans le cadre des rencontres professionnelles.