Note de lecture sur l’ouvrage de François Lajuzan autour de l’articulation entre éducation artistique et culturelle et réforme des rythmes scolaires.
Publié le 23/06/2014, Mis à jour le 07/05/2023
L’ouvrage de François Lajuzan, L’action culturelle dans les rythmes scolaires, est un guide pour réussir à introduire et structurer l’éducation artistique et culturelle dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires.
Pourquoi un guide ? Sans doute parce, que comme l’avoue l’auteur, la démarche requiert de la volonté et qu’elle est surtout affaire de partenariats, même si c’est la loi – celle de la refondation de l’école – qui ouvre en très grand les portes de l’éducation à l’art et à la culture.
Le directeur des affaires culturelles de Tournefeuille (25 000 habitants dans la banlieue de Toulouse) et président de l’association des DAC de Midi Pyrénées, dresse dans cet opuscule la carte méthodique qui doit permettre aux bataillons d’acteurs culturels (artistes, associations, éducation populaire, structures et établissements culturels, services culturels des collectivités…) – s’ils en ont la volonté, insiste-t-il – de participer, voire de conduire la généralisation, la massification de l’éducation artistique et culturelle.
Cette « nouvelle étape dans le long processus de la démocratisation de la culture » change aujourd’hui le périmètre et l’échelle de son ambition : l’éducation artistique et culturelle ne devra plus relever de l’expérimental ou du volontariat, elle devient obligatoire et doit s’adresser à tous les enfants !
C’est ce qu’autorise aujourd’hui la loi en redéfinissant la place de l’art et de la culture à l’école (Parcours artistiques et culturels, circulaire n° 2013-073 du 3 mai 2013), l’organisation du temps de l’enfant (réforme des rythmes scolaires) et en donnant à la continuité éducative entre l’école et son environnement (l’éducation ne peut être qu’un projet global et l’affaire de tous) un outil de structuration : le projet éducatif de territoire (PEDT).
Bien sûr, on s’interrogera sur les retombées probables du résultat des dernières élections municipales et du remaniement ministériel qui a vu un changement de ministre et « l’assouplissement » des conditions de mise en place des rythmes scolaires.
Le livre est composé de deux parties principales :
– la première partie sera celle du pourquoi
– la deuxième celle du comment (le guide, la boîte à outils)
Pourquoi ? À quoi sert l’éducation artistique ?
Dans la conception classique, l’éducation doit transformer l’individu. L’éducation artistique et culturelle prend naturellement toute sa place dans cette visée en complétant une vision globale de l’individu. Mais dans le contexte d’une généralisation de l’éducation artistique non seulement durant le temps scolaire mais également au-delà, l’enjeu ne serait plus uniquement celui de la transformation de l’individu mais celui de la transformation des territoires. Le croisement des politiques éducatives et des politiques culturelles doit faire bouger les lignes et la généralisation de l’éducation artistique et culturelle ne peut qu’influencer les politiques culturelles en direction des populations. Les projets que F. Lajuzan appelle de ses vœux font de l’éducation artistique et culturelle un levier de transformation du développement et du territoire culturel.
Pour l’auteur, les enjeux aujourd’hui ne sont plus dans l’accès à la culture (la démocratisation culturelle – poursuite de la décentralisation de Malraux) qui vise à mettre à portée de tous les grandes œuvres de la création artistique accaparées par les élites. De nos jours, la culture est (sur)abondante et cloisonnante. Chacun est dépositaire d’une culture (télévisuelle, ethnique identitaire, culture geek…). Ces cultures constituent des territoires culturels qui peuvent isoler, séparer, faisant de la lutte contre l’élitisme, l’exclusion culturelle, une cause devenue caduque. Aujourd’hui ce qu’il faut combattre c’est « l’enfermement, le communautarisme, l’uniformisation et la massification (médiatique et commerciale) ».
L’éducation n’est-elle pas effectivement devenue « l’affaire de tous », dès lors que l’école et la famille ne sont plus, depuis longtemps, les seuls pourvoyeurs de modèles de comportement et d’identité ? Penser nouvellement les rapports de l’école et de son environnement dans une continuité éducative assumée et organisée par des acteurs publics (en ce qui nous concerne, éducatifs et culturels), n’est en fait que la proposition de se ressaisir de la fabrication du lien social.
À travers les 3 objectifs dévolus par François Lajuzan à l’éducation artistique :
– faire découvrir la diversité des formes d’expression artistiques
– éveiller la curiosité, susciter le désir
– faire participer de manière active au processus de création,
est redessiné le projet républicain de cohésion sociale non plus dans l’universalisme élitiste mais dans la rencontre des différences et la diversité organisées par l’action des citoyens.
« Il ne s’agit plus d’accéder à une culture légitime mais à l’immense diversité des formes esthétiques, de modes d’expression artistiques (…), non plus simplement connaître les œuvres mais partager de manière active des aventures artistiques, plonger dans un processus créatif partagé. »
Dans une typologie des projets d’activités péri-éducatives comprenant 5 niveaux, on ne s’étonnera pas que le cinquième niveau, le plus complet aux yeux de Lajuzan, est celui qui « fait bouger les lignes », les enfants étant associés aux artistes dans de véritables projets de création qui impliquent également d’autres populations (personnes âgées, habitants du quartier,..) et visitent le territoire de la collectivité. Cette ambition est aux antipodes de ce qu’il ne faut surtout pas faire pour François Lajuzan : prolonger l’école par des activités d’enseignement de la culture.
Comment ?
François Lajuzan donne dans la deuxième partie de son ouvrage tous les repères nécessaires (organisation, institutions, financements, stratégies, textes de références, adresses web….) à la mise en œuvre sur le terrain des projets culturels et artistiques dans le cadre du projet éducatif de territoire (PEDT), des parcours artistiques et culturels dans le temps scolaire et des nouvelles activités péri-éducatives (NAP) illustrant ses indications de nombreux exemples tirés des expériences déjà menées par certaines collectivités locales (Charte de l’éducation artistique et culturelle de Perpignan, Parcours de la ville d’Annecy,…).
Cette « boîte à outils » ne sera pas de trop pour ceux qui voudraient trouver leur chemin dans ce qui, n’en doutons pas avec François Lajuzan, pourrait être « un bouleversement profond » vécu de façon balbutiante.
Note de lecture rédigée par François Sanchez