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Témoignages

Notre mère la guerre : genèse d’une bande-dessinée historique

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Le scénariste Kris revient sur le travail de reconstitution historique de sa bande-dessinée, à partir d’une grande diversité de sources.

Publié le 12/03/2014, Mis à jour le 01/03/2023

Le mardi 4 février 2014 à Clermont-Ferrand, dans le cadre de la réunion nationale des pôles régionaux d’éducation aux images, le scénariste de bande-dessinée Kris est revenu sur le travail de reconstitution historique de Notre mère la guerre, dont l’origine est une expérience personnelle de Kris, fasciné par la découverte de Verdun, enfant. Le compte-rendu écrit de l’intégralité de l’intervention de Kris est en ligne ici. Nous vous en proposons ci-dessous un résumé.

Sources et influences

Kris a décrit de façon détaillée les diverses sources qui ont nourri son écriture : historiens, photographes, témoignages de poilus, romans, poèmes, films de fiction et documentaires… Il définit ainsi la BD comme « Un art de la cambriole » qui prend à tous les autres arts pour développer son propre langage.
Cette définition s’appliquerait assez bien au cinéma, mais Kris note que les cinéastes et les romanciers citent moins souvent des influences extérieures à leur discipline artistique que les scénaristes de bande-dessinée.

Tout ce qui apparaît dans Notre mère la guerre est réel. C’est une histoire de fiction qui prend des bouts de réalité un peu partout, mais qui ne prend presque que des bouts de réalité. […] Je pourrais presque vous sourcer chacune des scènes ou des images de Notre mère la guerre qui vient d’un témoignage, d’une photo ou d’un film.

Kris a passé en revue ses sources, en lien avec les buts qu’il recherchait dans l’écriture de Notre mère la guerre :

Retrouver une proximité avec les soldats :
. 1914-1918 Nous étions des hommes, photos de Jacques Moreau
. Les Carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, 1914-1918
. Carnets de guerre 1914-1918, Édouard Coeurdevey
. La Peur, Gabriel Chevallier
Raconter la guerre du point de vue des soldats :
. L’œuvre de Jacques Tardi à partir de La Guerre des tranchées (1993).
. 14-18, Retrouver la guerre, Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker
. La Guerre censurée, Frédéric Rousseau
. Les Croix de bois, Roland Dorgelès
. J’ai tué, Blaise Cendrars (1919) + Ceux de 14, Maurice Genevoix (réédition de 1955) : rares récits de soldats racontant qu’ils ont tué. Dans l’immense majorité des récits, on voit la mort mais on ne la donne pas.
. À propos de courage, Tim O’Brien (vétéran du Viet Nam) : « Si une histoire de guerre vous paraît morale, n’y croyez pas. […] On peut juger de la véracité d’une histoire de guerre d’après son degré d’allégeance absolue et inconditionnelle à l’obscénité et au mal. »
Accorder une place importante aux femmes :
. Témoignages de poilus : leur rancune à l’égard des femmes qui selon eux avaient le pouvoir de demander l’arrêt de la guerre, mais ne l’ont pas fait.
. Des tranchées et l’alcôve, Constant et Gabrielle M
Questionner le rapport des soldats à la religion :
. Écrits du temps de guerre, Pierre Teilhard de Chardin, un jésuite pacifiste qui exalte le spectacle et l’expérience de la guerre.
. Carnet de guerre, août-septembre 1914, Jacques Rivière.

 

Influences cinématographiques et télévisuelles

14-18 Le Bruit et la Fureur de Jean-François Delassus : les images colorisées.
Les Âmes grises de Yves Angelo : la guerre hors champ mais omniprésente.
La Ligne rouge de Terrence Malick: l’absence prolongée puis l’irruption de la violence.
The War de Ken Burns : les témoignages documentaires.
Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, Capitaine Conan de Bertrand Tavernier : les hommes malades de la guerre.

La reconstitution : exactitude et justesse

Kris a ensuite exposé sa conception de la reconstitution historique, dans laquelle il cherche moins l’exactitude que la justesse.

La collaboration scénariste-dessinateur

Kris a terminé son intervention sur sa rencontre avec le dessinateur Maël et la manière dont celui-ci s’est immergé dans les photos et les films pour que les personnages soient mieux incarnés.
Dans l’extrait ci-dessous, le scénariste revient sur le travail d’écriture avec Maël : à la différence de ce qui se passe au cinéma, où l’écriture du scénario précède presque toujours la mise en image, Kris a poursuivi l’écriture du récit alors que Maël dessinait déjà.

Pratique

  • Le compte-rendu écrit de l’intégralité de l’intervention de Kris est en ligne ici
  • Kris a également présenté la genèse de Notre Mère la guerre en Picardie. La vidéo de l’intégralité de son intervention est en ligne ici.