Points de vue sur l’éducation aux images
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Témoignages

“Si, si, nous pouvons y arriver…”

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Pendant le confinement, certains projets d’éducation aux images ont continué, malgré tout. A l’instar de ce projet de réalisation avec une classe de 3ème, en REP+ à Vitrolles.

Publié le 09/06/2020, Mis à jour le 09/02/2023

Suite à la fermeture des écoles, bon nombre d’intervenants en temps scolaire ont du mettre entre parenthèses les projets qu’ils menaient avec les élèves, parfois depuis plusieurs mois. Certains intervenants ont pourtant décidé de poursuivre les projets, par d’autres moyens. C’est le cas d’Axelle Schatz, qui intervient auprès d’élèves en grandes difficultés d’apprentissage et comportementales, en collège de REP + et avec des élèves en grande difficulté dans les quartiers difficiles de Marseille. Avec le concours des enseignants du Collège Henri Fabre de Vitrolles (REP+), Axelle Schatz a réinventé le projet de réalisation lancé à la rentrée dernière. Et ce un contexte particulièrement difficile… Témoignages.

Le projet «  Moi Collégien, je danse  » avait débuté en début d’année scolaire, avec les élèves de 3ème du Collège Henri Fabre de Vitrolles et leurs professeurs d’histoire, de français et d’EPS. Je commence toujours ce type de projet par de larges sessions de visionnage et d’écriture, afin d’aborder la thématique [les inégalités homme  / femme] par différents biais, se questionner, se confronter à d’autres points de vue, et s’exprimer à travers poèmes, discours, textes «  à la manière de  »…

Parallèlement, nous effectuons des exercices de tournage à travers des dispositifs simples, afin d’appréhender les techniques audiovisuelles, les règles de tournage et de s’essayer au jeu d’acteur.

Au fil des ateliers, en classe, nous avons visionné des films, échangé, écrit, élaboré un scénario, revu des films, découvert de nouveaux points de vues à travers fictions et documentaires, débattu autour de l’égalité homme / femme, réécrit le scénario.

Quand le confinement a été annoncé, et les écoles fermées, nous allions entamer une étape décisive du projet : le tournage. Allait-il être possible de tourner  ? Quand  ? Comment  ? Impossible de le savoir. Pourtant, nous avions à cœur de ne pas abandonner le projet, de produire quelque chose, malgré tout…

Déjà beaucoup de choses avaient étaient produites depuis le début de l’année. Les premières semaines du confinement pourraient être mises à profit pour en produire d’autres… Finalement impossible de retourner au collège, nous avons décidé d’éditer un petit livre avec les poèmes et slams, dessins et photos, produits par les élèves.

La thématique des inégalités homme / femme, de la place de la femme dans la société, du féminisme, des stéréotypes… était un autre obstacle. Au collège de Vitrolles, on ne porte pas de mini-jupe. Et finalement, si les 5 sœurs du film Mustang sont punies par leur oncle, c’est un peu «  normal  », ça ne se fait pas de monter sur les épaules d’un garçon… Est-ce la tradition, la religion, les codes de la cité, le manque de curiosité ou l’impossibilité de voir ce qui se passe «  ailleurs  », la peur de penser différemment de son entourage qui enferment les élèves dans un carcan bien lourd  ? Certainement un peu de tout cela.

Le 30.03.2020 (alors que nous pensions encore faire un film !)

(…) Je vous propose de réfléchir ensemble et à distance, de chercher des idées avec les outils que nous avons pour pouvoir quand même réaliser un petit film.
Les armes que nous avons : vos stylos pour écrire, vos feutres et crayons pour dessiner, et vos téléphones pour filmer ou enregistrer des sons ! Et pour ceux qui en ont, des ordis ou tablettes pour correspondre et envoyer des fichiers…Si, si, nous pouvons y arriver et inventer des choses nouvelles ! Tout d’abord, j’aimerais que vous dessiniez !

Après quelques exercices, tout s’est arrêté. Les vacances de Pâques, le Ramadan, plusieurs semaines de confinement… C’était très dur de maintenir un «  cadre  ». Les élèves sont déphasés. Les professeurs restent en lien avec les élèves, par téléphone. Au collège, peu d’élèves sont revenus. Les familles ont très peur. Je vais réaliser un livret avec les textes, dessins, photos qu’ils ont produits, et leur envoyer.

Malgré les difficultés rencontrées par les élèves, beaucoup d’entre eux se sont accrochés pour poursuivre le travail scolaire et le projet cinéma. Certains ont même été un peu plus assidus qu’en classe, peut-être libérés d’un effet de groupe parfois toxique ou du regard des autres trop pesant. Peut-être un aspect positif du confinement ?