Le 15 novembre 2024, à la Médiathèque Manufacture de Nancy, La ligue de l’enseignement de Moselle et IMAGE’EST ont proposé dans le cadre de leurs missions un temps de formation et de sensibilisation autour du kit Handicaps aux professionnel·les du réseau d’éducation populaire, intervenant·es et encadrant·es socioculturel·les, ayant déjà mené ou non un projet d’éducation aux images.
Publié le 30/09/2025, Mis à jour le 30/09/2025
À la demande de la médiathèque La Manufacture, désireuse d’offrir à une classe de lycéen·nes un parcours éducatif, artistique et culturel autour de l’audiodescription, la Ligue de l’enseignement de Moselle, coordination Passeurs d’images, et le Pôle régional d’éducation aux images IMAGE’EST ont organisé une journée de formation gratuite. Celle-ci avait pour objectif de présenter le Kit Handicaps et d’initier les professionnel·les à l’audiodescription, avec l’intervention de Benjamin Kling, audiodescripteur.
L’inclusion, un principe au cœur de l’éducation aux images
Le principe d’inclusion sociale repose sur l’égalité de toutes et tous, sans distinction. Contrairement à l’intégration, qui exige des individus qu’iels s’adaptent à une norme, l’inclusion transforme la société afin qu’elle s’adapte aux singularités de chacun·e. Elle vise à ce que chaque personne participe en tant que membre valorisé, respecté et contributeur·rice au sein de sa communauté.
Dans le champ de l’éducation aux images, cette démarche se traduit par la mise en œuvre d’ateliers et de dispositifs accessibles à tous les publics, qu’ils soient en situation de handicap ou non. L’atelier d’éducation aux images inclusif favorise ainsi la mixité et, au-delà des enjeux d’accessibilité et de transmission du cinéma et de son langage, participe au vivre-ensemble.
Comme le souligne le Rapport du Germoir de l’éducation à l’image inclusive (Retour d’image, 2019), un atelier d’audiodescription ou de co-création mixte permet d’expérimenter un double enjeu : la découverte des capacités de chacun·e et leur complémentarité. La mise à disposition de matériels adaptés (dispositifs d’audiodescription, séances accessibles annoncées à l’avance, etc.) en est l’un des leviers concrets.
Cette approche inclusive éclaire l’enjeu central de la formation : permettre aux professionnel·les de s’approprier un outil existant, le Kit Handicaps, pour concevoir une expérience cinématographique pour toutes et tous.
Le Kit Handicaps : un outil pour changer les regards
Créé en 2022 par le Blackmaria, Pôle régional d’éducation aux images de Champagne-Ardenne, le Kit Handicaps propose :
- 13 courts-métrages avec versions audiodécrites et sous-titrées SME (Retour d’image),
- des fiches pédagogiques : dossier artistique par film (éléments de fabrication, affiches, notes d’intentions, extraits de scénario…),
- des fiches thématiques : «Amour et handicap», « Familles et handicap», «Relever le défi de l’inclusion».
Un livret pédagogique accompagne les films, pensé pour les formateurs et formatrices d’éducation aux images.

Vue d’ensemble sur la journée de formation
L’objectif de la formation est, qu’à l’issue de la journée, les professionnel·les puissent mobiliser le Kit Handicaps et adapter un atelier pour leur public : d’abord à travers une séance de cinéma inclusive de sensibilisation aux handicaps, puis en prolongeant l’expérience par un atelier pratique d’audiodescription.
Une matinée de découverte
Le déroulement de la journée a été conçu pour permettre aux participant·es de s’approprier facilement le format et de l’adapter à leur structure.
La matinée s’est déclinées en trois étapes :
- Présentation et tour de table : médiathécaires et partenaires socioculturels du dispositif Passeurs d’images.
- Visionnage et échanges autour de trois courts-métrages du Kit Handicaps :
– Le p’tit Bal (1993, 4’), un clip musical signé,
– The present (2014, 4’), un film d’animation adapté aux plus jeunes (dès la primaire) et le handicap physique,
– Mon petit frère la lune (2008, 6’), un film d’animation sur l’autisme du point de vue d’une enfant. - Rencontre avec Benjamin Kling [2] pour découvrir son métier d’audiodescripteur et introduire l’atelier de l’après-midi.

The present (2014)
L’après-midi consacrée à l’atelier a permis d’initier les participant·es à la pratique de l’audiodescription :
- conception en sous-groupes de l’audiodescription des trois premières minutes du film Pensée assise, Mathieu Robin (2002),
- restitution et comparaison des versions,
- discussion sur les difficultés rencontrées et sur les intérêts pédagogiques de l’exercice.
Rencontre avec Benjamin Kling, audiodescripteur
Benjamin Kling exerce le métier d’audiodescripteur depuis plus de dix ans, principalement dans les domaines du cinéma et de la télévision, et partage avec les participant·es les réalités de cette activité très peu connue du grand public.
Son intervention débute avec une introduction aux principes de base de l’audiodescription : décrire de manière concise, précise et neutre les éléments visuels essentiels à la compréhension d’une œuvre pour un public aveugle ou malvoyant. Cette description doit s’intégrer entre les dialogues et les sons du film, sans interférer avec la narration originale.
Il propose ensuite une définition de l’audiodescription comme une technique et un art qui doit à la fois respecter l’œuvre à audiodécrire et les multiples spectateur·ices. D’où un travail tout en nuance dans lequel l’audiodescripteur s’efface pour laisser la place à la diversité des expériences sensorielles des spectatrices et spectateurs. La personne aveugle ou malvoyante doit pouvoir interpréter et ressentir une œuvre cinématographique par elle-même.
Benjamin aborde également la place du métier en France : encore peu valorisée, l’audiodescription reste souvent en marge des processus de production audiovisuelle.
Pourtant, un cadre réglementaire existe.
- Depuis 2005, la loi sur le handicap impose aux chaînes de télévision faisant plus de 2,5% de la part d’audience un quota de programmes accessibles aux personnes en situation de handicap.
- Une charte de l’audiodescription (publiée par le CSA puis reprise par l’Arcom) pose des principes de qualité : clarté, neutralité, respect de l’œuvre, accessibilité linguistique. Cette charte constitue une base utile pour les professionnel·les du secteur.
- Dans le secteur du cinéma, l’audiodescription est également devenue obligatoire pour tout film bénéficiant d’un dispositif de soutien du CNC. Cependant, l’offre reste largement concentrée sur les films français récents, et la qualité des audiodescriptions peut varier selon les moyens alloués.
L’atelier d’audiodescription : expérience immersive d’écriture et d’éducation au cinéma
S’il s’agit de compenser la vue par l’ouïe, l’audiodescription ne véhicule pas uniquement de l’information formelle. Elle consiste en un jeu d’équilibriste délicat entre le respect de l’œuvre et le respect du·de la spectateur·rice malvoyant·e.
L’atelier d’audiodescription propose aux participant·es de se mettre dans la peau d’auteur·rices d’audiodescription et envisage l’audiodescription comme un outil d’analyse filmique.
Trois objectifs pédagogiques majeurs :
- Sensibiliser le groupe à l’accessibilité culturelle et aux obstacles invisibles rencontrés par les publics en situation de handicap,
- Travailler la précision du langage, diversifier son lexique dans un contexte d’écriture créative et d’éducation au cinéma,
- Développer l’écoute active et la coopération au sein d’un travail en équipe : les choix à prendre nécessitent des compromis, des essais, des ajustements.

Un dispositif d’atelier léger et adaptable
Les participant·es soulignent la facilité de reproduire ce type d’atelier car il nécessite peu de moyens techniques. La plupart d’entre iels se sentent à même de proposer ce type de format : visionner une sélection de courts métrages du Kit et s’appuyer sur ses ressources, puis, proposer un atelier d’audiodescription.
En vue de leur projet auprès de lycéen·nes, les médiathécaires présentes envisagent de solliciter l’intervention de Benjamin Kling : car la rencontre avec un professionnel apporte de la plus-value au projet, une plus-value à laquelle on ne peut pallier, et permet de bénéficier d’une expertise sur des questions spécifiques.
La mise en place de ce type d’atelier est rapide et requiert seulement un vidéo-projecteur et autant d’ordinateurs que de sous-groupes constitués (il est conseillé de composer des groupes de trois personnes). La lecture des fichiers vidéos du Kit Handicaps se fait sur le lecteur VLC ainsi que, pour chacun des films, l’activation des versions audiodécrites et les sous-titrages sourd·es et malentendant·es. L’écriture de l’audiodescription se fait également sur VLC. Par conséquent, il s’agit de vérifier en amont de l’atelier que chaque ordinateur ait le logiciel VLC Media Player installé.
Conclusion de cette journée de formation
La journée de formation à la Médiathèque Manufacture de Nancy a montré que le Kit Handicaps est un levier pour sensibiliser, échanger et faire évoluer les regards sur le handicap. Ainsi, le Kit Handicaps, outil de médiation et d’éducation au cinéma, s’inscrit parfaitement dans une démarche d’inclusion sociale.
En combinant visionnage de films adaptés, échanges et ateliers d’audiodescription, les professionnel·les découvrent comment rendre l’éducation aux images plus inclusive et participative. Au-delà de la transmission de connaissances, cette expérience a permis aux participant·es de développer écoute, coopération et créativité.
[1] Source : Formation “Accessibilité aux films documentaires pour les personnes en situation de handicap sensoriel”, organisé en 2021 par Images en Bibliothèques aux adhérents de La Cinémathèque du documentaire
[2] Benjamin Kling est un audiodescripteur basé à Strasbourg. Il est également chargé de programmation cinéma pour le festival culturel Entendez-Voir!. Il enseigne également l’audiodescription à de futur·es professionnel·les à l’université de Strasbourg au sein du Master M2 Traduction Audiovisuel et Accessibilité
Pratique
- Retour d’image : centre de ressources et de formation sur l’accessibilité du cinéma pour les personnes aveugles ou malvoyantes et sourdes ou malentendantes.
- CNC : Accessibilité des œuvres et des salles aux personnes en situation de handicap
- Charte de l’audiodescription (publiée par le CSA puis reprise par l’Arcom)