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Fiche Méthodologie

Comment créer le débat après la diffusion d’un film ?

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Comment animer un débat après la projection d’un film ? Nos outils et retours d’expériences.

Publié le 04/09/2019, Mis à jour le 27/06/2023

Au fil des années, nous avons documenté de multiples projets, menés dans des contextes, dans des formes et auprès de publics très divers. Afin de valoriser cette diversité et de vous permettre d’accéder rapidement aux articles parus sur une thématique donnée, Le fil des images lance un nouveau format éditorial : l’article dit aggrégateur. Le premier opus est consacré à une thématique récurrente : l’animation de la salle après projection. On espère que, quelque soit la nature de votre projet, vous pourrez y piocher mille bonnes idées, en cliquant sur les liens hypertextes tout au long de l’article.

Le cinéma est un art qui en convoque d’autres. Les images font appel aux couleurs, aux mouvements, à la composition, le son recouvre aussi bien la musique, les ambiances, les dialogues… autant de strates dans lesquelles la scénarisation et la mise en scène peuvent cacher des références ou faire passer des idées.

La posture du médiateur

Construire un regard assez aiguisé pour savoir naviguer entre ces différentes grilles de lectures, les faire communiquer et les remettre en contexte pour en extraire un message n’est pas un exercice aisé. C’est pourtant cela qui permet aux débats d’après séance d’enrichir un visionnage, et c’est donc une certaine manière de définir le rôle du médiateur.rice. Cette posture doit résulter de savoir-faire et de savoir-être particuliers qui permettent de rendre ces connaissances accessibles et vivantes, en fonction du public et du film dont il est question.

Pour autant, bien qu’étant un métier en soi, la médiation artistique au cinéma peut être menée par des amateur.rice.s. Les seuls pré-requis étant une bonne connaissance de l’œuvre, des publics et de cet objet social qu’est le ciné-débat, sur lequel nous vous proposons ici quelques conseils et outils simples. En outre, comme dans toute action de médiation, ce sont les problématiques que l’on veut soulever et les questionnements que l’on veut voir émerger qui détermineront la nature d’une rencontre entre le public et le film lors d’un ciné-débat.

Ouvrir son regard sur la société

Parmi les formes de débat auxquelles nous nous sommes intéressé sur le Fil des images, les ciné-philo, sont souvent impulsés par des professeurs de lettres ou de philosophie, qui tiennent pour objectif de faire émerger un regard réflectif sur la société, au travers d’un film. Contrairement à une certaine idée reçue, la démarche du ciné-philo peut s’appliquer à quasiment tous types de publics. Si, auprès d’un public adultes, les débats permettent souvent de mettre en avant une certaine intelligence collaborative dans un échange de connaissances savamment référencées entre adultes avisés, elle peut tout aussi bien s’appliquer au bénéfice des plus petits, pour peu que le médiateur.rice sache les écouter, traduire leurs questionnements, et les accompagner dans leurs réflexions.

Jeune public : construire des repères

Alors comment préparer une séance auprès d’un jeune public ? Comment aborder les images violentes ? Que révéler de la construction des images de fiction ? Autant de questions mises en travail par les médiateur.rice.s lors de différentes rencontres professionnelles qui incitent à guider le regard, mettre la parole en mouvement et à exemplifier. Au travers, notamment, des dispositifs scolaires, les sorties au cinéma permettent aux jeunes de mieux appréhender les séances de cinéma et de trouver dans les œuvres des questionnements, du sens, et parfois des repères, qu’ils soient culturels, moraux ou esthétiques. Chaque enfant à son stade de développement réflexif, de compréhension du monde, de capacités cognitives ou psycho-sociales a en effet besoin de s’attacher à des repères et à des expériences qui s’avèreront structurantes pour sa pensée et son comportement. En ce sens, le cinéma peut être pour les tout-petits un support d’apprentissage vecteur de l’épanouissement de la sensibilité individuelle et subjective, mais aussi une expérimentation du groupe et des premières règles sociales. La bienveillance et l’écoute du médiateur.rice devront instaurer un climat de confiance afin de laisser la place à la parole des tout petits et de profiter d’un moment d’éveil agréable. Certaines conditions d’accueil devront être respectées pour que les films et supports pédagogiques sur lesquels les médiateur.rice.s pourront s’appuyer portent leurs fruits auprès de ces très jeunes spectateur.rice.s.

Certains outils rendent possible, de façon plus didactique encore, l’approche vers les attentes des jeunes participant.e.s. Parmi ces outils, le cinaimant permet dès le cycle 3 de favoriser la prise de parole, de se projeter en groupe vers l’œuvre avant de la découvrir. Il permet aussi, par la suite, de travailler sur la mémoire et les émotions, grâce au débat généré par le visionnage, et introduit la notion de montage à travers un jeu qui met en travail aussi bien le langage que l’imagination. Créer pour être utilisé en classe, le cinaimant peut être utilisé dans d’autres contextes. C’est un outil pédagogique qui permet de faire une expérience concrète et sensible du cinéma.

Cinaimant

Public adolescent : l’apprentissage par les pairs et l’expérience

Tendre vers le sensible et le concret, c’est une volonté qui s’exprime de plus en plus fortement à mesure que l’on approche de l’adolescence. Pour y répondre, l’accompagnement en salle des pré-adolescent.e.s est souvent un bon moyen pour faire comprendre que le cinéma est une forme d’expression, un langage à part entière. Le jeune public saisit alors que le cinéma est une forme artistique qui propose un point de vue, une vision du monde que les spectateurs peuvent confronter avec celle qu’ils se sont construit jusque là. Faire comprendre ces mécanismes aux jeunes, c’est alors leur permettre de saisir des œuvres comme de potentiels repères porteurs de sens.

Monter un ciné-club au lycée peut être une formidable occasion pour eux de s’exprimer, et d’affirmer leurs goûts par tâtonnement. Bien que les participant.e.s soient guidés dans la recherche et la mise en forme de leurs propos, c’est l’apprentissage par les pairs qui est au centre de la démarche et qui permet l’affirmation de l’appartenance à un groupe, qui permet tout à la fois l’expérimentation et le débat contradictoire, exercices d’acceptation de l’autre, de ses revendications et de ses croyances. Ces valeurs citoyennes, les lycéen.ne.s inscrits en option cinéma les expérimentent de façon encore plus pragmatique lorsqu’ils sont invités à proposer des films dans le ciné-club du cinéma de quartier. Ils sont alors des acteur.rice.s de la vie culturelle et participent activement à la vie de la cité.

Être en capacité de revêtir ce rôle nécessite de construire sa posture de sorte que l’on soit sûr d’offrir un moment de réflexion collective qui fasse également écho à chaque individu, pour susciter l’envie de prendre la parole, de réussir à écouter les interventions de chacun, et éventuellement d’y répondre.

Publics exposés : la libération de la parole

Le silence est parfois pesant concernant des sujets touchant à l’intimité ou a des sentiments puissants et parfois tabous. Pour des adultes fragiles, exposés à des situations ou des moments de vie complexes, le cinéma et le truchement de la fiction peuvent être un moyen détourné de faire entendre sa voix. Débattre sur les actions d’un personnage et sur ses sentiments permet de déplacer ses propres émotions sur lui. Il y a peu, Le fil des images a notamment fait écho de ciné-débats en pôle de psychiatrie. S’ils mettent en lumière des analyses et des visions du monde toutes personnelles, ces temps d’échanges sont surtout des occasions pour les professionnel.le.s de s’exprimer sur leurs pratiques, sur des réalités parfois difficiles à extérioriser ou à partager avec ses proches. Ici, le ciné-débat peut s’avérer être une vraie catharsis, un moyen de trouver des oreilles attentives et de s’exprimer en dehors de toutes contraintes pour avancer en groupe sur des problématiques partagées par tous les participant.e.s.

In fine, le concept du débat instaure d’emblée une dualité – si ce n’est une multitude – de points de vue, il permet aussi de les regrouper et d’en tirer des conclusions, forts des argumentaires de chacun. D’un autre côté, le cinéma en tant qu’art total peut se faire le réceptacle de bien des réflexions, de nombreux questionnements, apprentissages et références culturelles et sociales, ce qui en fait un support mouvant et ouvert sur le monde. Au travers du ciné-débat, peuvent se dessiner des visions du monde auxquelles chacun est libre de contribuer, et que chacun est libre d’interpréter. Pour les tout-petits comme les plus âgés, les écolier.ère.s comme les intellectuel.le.s aguerri.e.s, tous les hommes et les femmes qui aiment partager et apprendre des autres s’approprieront le ciné-débat comme un formidable moyen d’émancipation et de construction d’un socle culturel commun.

Par Lucas Malingrëy, Coordinateur Passeurs d’Images et Pôle régional d’éducation aux images Le RECIT

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