Points de vue sur l’éducation aux images
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Table ronde

L’éducation aux images, un pont vers la création professionnelle ?

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Les 18 et 19 mars 2024, le réseau des pôles régionaux d’éducation aux images et l’Acap – pôle régional image ont choisi la ville de Lille pour accueillir sa rencontre nationale annuelle, en partenariat avec le Festival Séries Mania et le CNC. Une table ronde a réuni des cinéastes qui s’engagent dans l’éducation aux images pour appréhender les liens entre transmission et création professionnelle.

Publié le 07/05/2024, Mis à jour le 07/05/2024

Si le rôle de l’éducation aux images n’est pas de créer les futurs cinéastes, il n’est pas rare que les actions pensées initialement pour des enjeux d’ouverture des regards aboutissent à de véritables tremplins vers la création professionnelle. Le constat est le même pour les cinéastes-intervenant·es pour qui les ateliers sont parfois sources d’inspiration pour leurs propres créations. Quelles vocations peuvent se créer à l’issue d’ateliers ? Quelles inspirations nourrissent les productions filmiques de celles et ceux qui mènent des projets de création avec les publics ? Comment regarder les expériences hybrides de co-création ?

Modération : Jean-Marie Vinclair (Pôle Normandie Images)

Invité·es :

  • Les cinéastes : Erika Haglund, Hugo Rousselin, Clara Petazzoni et Anthony Verpoort.  
  • Pour les pôles régionaux d’éducation aux images : Marie Chèvre (Pôle Occitanie Films) et Vanina Lanfranchi (Pôle Image Maroni)
  • L’association Hors Cadre : Nicolas Huguenin

 

La table ronde a débuté avec un texte introductif écrit par Jean-Marie Vinclair à propos de la thématique abordée. Il y explore le lien étroit entre la création et la transmission des images et met en évidence le rôle des interactions entre les artistes et leur public dans le processus créatif. Les artistes puisent leur inspiration dans une multitude de sources, tandis que les publics enrichissent leur rapport au monde à travers des expériences esthétiques et des rencontres avec les œuvres.

Le titre de la table ronde, « L’éducation aux images, un pont vers la création ? », pose la question de savoir si l’éducation aux images peut servir de passerelle vers la création artistique. Jean-Marie Vinclair souligne l’importance du point d’interrogation, reconnaissant la complexité de la relation.

En explorant des métaphores telles que la « tyrolienne » ou le « passage souterrain », Jean-Marie Vinclair illustre les différentes façons dont l’éducation aux images peut être perçue comme un moyen de soutenir le processus créatif. Bien que les dispositifs d’éducation aux images aient pour objectif principal de sensibiliser et d’éveiller les esprits critiques, ils peuvent également servir de tremplin vers des carrières artistiques.

Jean-Marie Vinclair reconnaît que le chemin de l’éducation aux images vers la création artistique n’est pas toujours clair et direct, mais plutôt sinueux et exigeant. Il souligne, que les expériences passionnantes qui vont être présentées, démontrent comment l’éducation aux images peut servir de catalyseur au développement de la créativité, voire à la vocation artistique des publics.

 

Avant d’aborder la présentation des projets, Jean-Marie Vinclair revient également sur la préparation de cette table ronde, ayant amené à envisager les ateliers d’éducation aux images comme autant de ponts vers la création… 

  • Premier pont : le prolongement d’un atelier par une création individuelle parfois avec les mêmes publics. Un atelier qui déclenche une inspiration, un besoin d’aller plus loin et d’approfondir par une création, une expression personnelle.     
  • Deuxième pont : la forte implication des publics dans un processus de création partagée dans le cadre d’un projet personnel amené par l’auteur·rice ou dans le cadre d’une résidence. Ici, c’est la création et la médiation qui s’entremêlent.
  • Troisième pont : la façon dont un atelier permet à un artiste de se nourrir artistiquement et intellectuellement. Avec le recul, l’éducation aux images permet aussi de soutenir indirectement financièrement de nombreux et nombreuses auteur·es réalisateur·rices, opérateur·rices, monteur·rices, etc. leur permettant, par ce biais, de gagner leur vie ou de “survivre”, car leurs situations sont parfois précaires.
  • Quatrième pont : l’éducation aux images peut susciter des vocations chez les publics, un désir d’embrasser une carrière professionnelle, de commencer la rédaction d’un scénario, de faire de l’image… Il y a parfois des suites à un atelier : comme s’il semait quelque chose qui pourrait germer plus tard.
  • Enfin, cinquième pont : ces expériences constituent aussi des temps de formation sur les territoires ou, plus justement, de complément de formation. Une expérience qui permet peut-être d’enclencher un destin professionnel.
L’éducation aux images, un pont vers la création professionnelle ?

 © Gaël Clariana / Acap – pôle régional image 

Pôle Image Maroni : d’un atelier Passeurs d’images à la production d’un documentaire…

Vanina Lanfranchi est directrice de l’association Atelier Vidéo & Multimédia, labellisée Pôle régional d’éducation aux images Pôle Image Maroni. Le PIM se situe en Guyane dans la ville de Saint-Laurent-du-Maroni, au bord du fleuve Maroni qui fait frontière avec le Suriname. Le brassage de population y est important, il s’agit d’une société multiculturelle avec des traditions très fortes. 

Hugo Rousselin est réalisateur. Il a débuté le cinéma en tant qu’assistant-réalisateur. Il a ensuite généré ses propres projets, en parallèle d’un fort intérêt pour les interventions d’éducation aux images. Hugo Rousselin a la particularité de faire des films qui ne se passent qu’en Outre-Mer sur des thématiques telles que les mémoires coloniales, la question des transmissions transgénérationnelles ou encore les sociétés d’oralité face au tourisme de masse et de surconsommation.

 

Origine et contexte du projet 

Le projet d’origine est issu du dispositif Passeurs d’images que Vanina Lanfranchi mène depuis dix ans dans le quartier de Saint-Jean-du-Maroni. Une collaboration à trois acteurs (une structure de médiation sociale, une structure d’éducation aux images et un réalisateur), travaillant ensemble sur la durée, qui a permis une synergie insoupçonnée avec toute une communauté. 

Hugo Rousselin accompagne ces ateliers depuis maintenant sept ans. Dans le cadre du dernier projet, le cinéaste souhaitait engager un travail autour de l’Île Portal. En échangeant avec les jeunes, avec qui il a l’habitude de travailler, il s’est en effet rendu compte qu’iels ne connaissaient pas l’histoire de cette île, pourtant située juste en face de chez eux·elles. 

Afin que le public de la table ronde puisse comprendre les particularités de ce territoire, le réalisateur revient sur l’histoire complexe et souvent méconnue de ses habitant·es :  les Bushinengués, un nom utilisé localement pour désigner l’ensemble des peuples ethniques issus de l’esclavage et des mouvements depuis l’Afrique, puis du Suriname. Ils ont recréé en Guyane un mode de vie autonome et traditionnel avec des influences amérindiennes et africaines. 

Hugo Rousselin et les jeunes sont donc allés interroger les anciens de l’île et des territoires alentours afin de réaliser une “cueillette d’histoires”. A partir des matériaux collectés (vidéos, écrits ou sonores), iels ont collectivement choisi leur sujet et Hugo a écrit un scénario sur la base de ces histoires.

Progressivement, le projet a pris de l’ampleur. Le PIM a obtenu des soutiens financiers suite à des appels à projet, notamment du Ministère des Outre-Mer (Jeunesse Outre-mer) et du CNC, via 5°nord Productions, société de production audiovisuelle adossée au Pôle Maroni. Le projet a ainsi pu bénéficier de 12 jours de tournage et intégrer des jeunes en formation, liés au dispositif Ambitions Ouest  en plus des participant·es issus des ateliers Passeurs d’images. Des moyens et une équipe ont alors été mis en place afin de  produire le documentaire “Opo Taampu” de manière professionnelle. Le film va continuer sa vie en étant projeté dans des festivals en métropole et diffusé en télé et en salle.

 

Ne pas faire sur, mais avec

Hugo Rousselin revient sur cette expérience au long cours qui lui a permis d’observer l’évolution de toute une population et les interactions rendues possibles grâce au cinéma. 

“On voit de manière très concrète comment l’éducation à l’image amène une capacité de changements systémiques sur une population donnée. Maintenant,  ils rêvent cinéma. Ils deviennent moteur de leurs envies.” 

 

Le réalisateur souligne l’importance de “Ne pas faire sur, mais avec”. Pour lui, “Ces jeunes se sentent investis dans ce projet car ça parle de leur vie et de populations inconnues, presque invisibilisées. Mon but est de leur donner des outils d’émancipation pour eux-mêmes”.  

Face à la diversité des populations qu’il rencontre, Hugo Rousselin explique l’importance de tisser la confiance, de s’écouter et de mettre en place un système de dons mutuels “Ne pas arriver avec ses gros sabots et dire je sais, je sais faire”. Il ajoute que le temps est primordial dans ce type de projet et que “si le dispositif n’est pas ancré de manière pérenne sur le territoire, rien ne se passe”. 

L’expérience de l’atelier, c’est aussi ce que l’intervenant·e apprend au contact des publics. Il avoue aimer le fait que l’atelier lui permet “de réviser ses bases”.   

 

Jean-Marie Vinclair souligne l’importance de faire sens au sein des territoires et d’être en cohérence avec ce qui s’y passe déjà, avec les habitant·es, les réalités… Vanina Lanfranchi affirme que “Concrètement, ça ne marcherait pas autrement. Dans le travail que l’on mène depuis le départ, on a toujours fait avec. Aller vers et faire avec, car si les gens n’ont pas envie, ils ne vont pas s’impliquer”.

Ce projet met en évidence l’importance du travail de terrain, de l’écoute et de la rencontre pour susciter l’envie et l’engagement et faire émerger de nouvelles histoires, de nouvelles collaborations, de nouveaux regards, tout en permettant une réelle forme d’émancipation des publics. 

 

   

L’éducation aux images, un pont vers la création professionnelle ?

 © Gaël Clariana / Acap – pôle régional image 

Le retour d’expérience d’Erika Haglund : la création en prolongement des ateliers

Erika Haglund est monteuse, réalisatrice et scénariste. Elle s’est lancée dans l’éducation aux images, dès le début de sa vie professionnelle, avec l’Acap, puis avec Ciclic en région Centre, l’Alca en Nouvelle-Aquitaine, l’Agence du Court métrage en Ile-de-France. Elle encadre diverses formes d’ateliers :  réalisation, programmation, accompagnement sur les dispositifs comme Lycéens et apprentis au cinéma sur du temps scolaire et hors temps scolaire, auprès de tout type de public.

 

Pour Erika Haglund aussi le « faire avec » est essentiel. Dans le cinéma  documentaire notamment, il s’agit toujours de deux désirs qui se rencontrent. La pratique d’atelier nourrit de manière souterraine les moments de création. La réalisatrice revient sur deux expériences vécues dans le prolongement d’ateliers d’éducation aux images.

 

Mettre le pied à l’étrier à de jeunes talents…

Dans le cadre du dispositif Passeurs d’images, Erika Haglund rencontre une jeune adolescente, Annabel. Deux étés de suite, Annabel joue dans les films d’atelier accompagnés par Erika Haglund, qui remarque rapidement ses talents d’actrice. Des années plus tard, pour son court-métrage en cours d’écriture, Erika Haglund cherche une comédienne, qu’elle peine à trouver malgré de nombreux castings. Elle recontacte Annabel engagée dans un cursus de formation artistique et lui offre son premier rôle dans un film professionnel. Aujourd’hui, la jeune comédienne est réalisatrice et intervenante artistique sur des projets d’éducation aux images.

“Le temps, la fidélité des liens nous emmènent sur les chemins de la création…”

 

Des vies qui se croisent…

Il y a quelques années, Erika Haglund a l’occasion de mener un atelier auprès d’une classe d’enfants porteurs de handicaps. Ils ont entre 8 et 10 ans. Malgré beaucoup d’appréhension au départ, le travail se révèle d’une grande fluidité. Erika Haglund est frappée par leur ténacité, la manière dont ces enfants font groupe, mais aussi leur façon de suivre les règles tout en les détournant constamment. A tel point que la réalisatrice a envie de poursuivre l’histoire et de réaliser avec eux un film documentaire, ce sera “Ces enfants sur mon chemin”. 

10 ans plus tard, Erika Haglund repense à ces enfants : ”Comment se passe leur entrée dans la vie adulte ? Que deviennent t-ils ? Comment ça va ?”  Elle en retrouve 5 avec qui elle a tissé une relation de confiance très forte, trouvé une place de confidente afin de réaliser “Boréales”, une série de portraits croisés autour de l’amitié, qui vient tout juste d’être terminée.

Dans 10 ans, la réalisatrice projette de poursuivre l’aventure en reprenant le cours de cette histoire commune.

 

L’éducation aux images, un pont vers la création professionnelle ?

 © Gaël Clariana / Acap – pôle régional image 

De la participation à un atelier à la professionnalisation : la belle histoire d’Anthony Verpoort 

Jeune, Anthony Verpoort a participé aux ateliers “Un été au ciné”. Il est ensuite devenu monteur puis réalisateur. « Aujourd’hui, je rends ce qu’on m’a donné à l’époque en intervenant pour Passeurs d’images via l’Association Hors cadre qui existe depuis 20 ans et qui est toujours là !” 

Nicolas Huguenin est le directeur de l’Association Hors cadre qui mène, entre autres et depuis plus de 20 ans, des projets Passeurs d’images en région Hauts-de-France, en lien avec l’Acap. 

C’est dans le cadre de ce dispositif que les deux hommes se sont rencontrés. 

 

“Une histoire de boucle qui se boucle” 

Anthony Verpoort commence par rappeler à quel point les acteur·rices de terrain en contact avec les jeunes, présent·es à l’année dans les structures, sont un relais indispensable.

Il revient ensuite sur sa rencontre avec le réalisateur Luc Moullet qui intervient lors d’un atelier dans le cadre de l’opération « Un été au ciné » à Calais en 2001. Anthony Verpoort a 19 ans à l’époque. Lors de cet atelier, le groupe réalise un film : Léa, Léa et Léa. Luc Moullet monte le film avec les jeunes. Anthony se passionne pour cette étape du montage et réalise même la bande annonce de ce très court film de 10 minutes à peine ! Ce qui amuse beaucoup Luc Moullet qui prend ses coordonnées.

Quelques années plus tard, Anthony Verpoort reçoit un appel de Luc Moullet qui lui propose de monter le court-métrage qu’il vient de terminer. Pendant deux semaines, Ils travaillent ensemble en parfaite osmose. Quand il s’agit de monter son long métrage documentaire “ La Terre de la folie”, Luc Moullet fait alors à nouveau appel à Anthony.  Le film est présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 2009. Anthony devient alors le monteur attitré du cinéaste. 20 ans après l’atelier de Calais, en 2021, Luc Moullet contacte Anthony Verpoort pour lui demander une copie de “Léa, Léa et Léa” afin de présenter le film lors d’une rétrospective que lui consacre la Cinémathèque Française.

À la suite de cette expérience, Anthony Verpoort réalise un film pour raconter son histoire, à la demande de Nicolas Huguenin, directeur de l’association Hors Cadre et “metteur en scène” de projets comme il se définit lui-même, en tant que coordinateur  : « On a fait 200 ou 300 films d’ateliers depuis 30 ans, il n’y a pas 200 ou 300 histoires comme celle-ci  ! ». 

 

Nicolas Huguenin présente ensuite le travail de revisite qu’il effectue avec des films d’ateliers, coordonnés par Hors-Cadre, via le dispositif Focus PI. Cette démarche a pour objectif de donner de la visibilité à ces expériences menées en ateliers en numérisant les films les plus anciens et en facilitant leur diffusion lors de séances thématiques éditorialisées : “ On propose aux acteurs de terrain de faire des diffusions de ces films, qui sont donc sans droit, qui sont gratuits, qui sont faits par des jeunes et qui parlent à des jeunes”. L’autre volet de ce dispositif consiste à créer des contenus “bonus” permettant de revenir sur ces productions d’ateliers et d’y apporter un nouvel éclairage. Nicolas Huguenin termine son intervention en soulignant :  “On a maintenant (…) un patrimoine qui ne tient qu’à nous d’aller capitaliser, valoriser et qui peut toujours être vivant”.

Jean-Marie Vinclair conclut qu’il est en effet nécessaire de s’emparer de toute cette matière qui raconte la France et qui est intéressante du point de vue sociologique. De poser la question de comment l’action culturelle a pu se développer ou pas, mais aussi de regarder les pratiques des jeunes, les pratiques du faire.

 

L’éducation aux images, un pont vers la création professionnelle ?

 © Gaël Clariana / Acap – pôle régional image 

“Raconter l’absence” de Clara Petazzoni : une résidence d’artiste à la croisée de la création et de la transmission

Marie Chèvre est chargée d’éducation aux images pour le Pôle Occitanie Films dont les actions sont construites autour du vivier de professionnel·les, réalisateur·trices et technicien·nes qui vivent dans la région et dont les films sont tournés sur le territoire.       

Clara Petazzoni est réalisatrice. Elle a également une formation de comédienne et a mené de nombreux ateliers d’éducation aux images, d’abord dans le domaine du théâtre, puis dans l’écriture de scénario. Dans ses projets, Clara met en scène des personnages adolescent·es, notamment des jeunes femmes, qui sont habité·es par la question de leur propre devenir et de comment iels peuvent s’en saisir.   

 

Occitanie films coordonne cinq à six résidences chaque année qui se déroulent en lycée ou en zones rurales isolées. Le principe commun est que l’artiste vient créer en lien avec les publics. Il s’agit véritablement de cette croisée entre création et transmission. Chaque projet se réinvente à chaque fois et se décline de plusieurs manières.

Dans le cadre de ces résidences, la DRAC a proposé comme territoire : le Comminge, lieu de tournage du film de Mathieu Amalric, “Serre-moi fort”. 

 

La proposition de l’appel à projet était qu’un·e artiste vienne créer en écho à cette œuvre, dans une idée de correspondance, afin de continuer à construire une histoire en lien avec l’accompagnement des films ancrés sur le territoire. Comme le précise Marie Chèvre : “Les ingrédients de départ de cette résidence étaient les suivants : un film, qui est lui-même une adaptation du texte théâtral Je reviens de loin de Claudine Galea, un territoire et la réalisatrice lauréate de l’appel à projet, Clara Petazzoni.” 

Lors de sa résidence, Clara Petazzoni a réalisé un court métrage et a mené différents ateliers avec des publics du territoire. 

“J’ai tout de suite été attirée par ce projet parce que je suis comédienne de formation, que je connaissais déjà Claudine Galea comme dramaturge – J’avais déjà joué ses textes-, que Mathieu Amalric est un réalisateur qui est aussi, tout comme moi, comédien et que le film m’a beaucoup touché. Ça a fait un ensemble de choses et je me suis dis que j’avais peut-être quelque chose à faire là.”

 

Création en chaîne

En plus de son projet personnel de court-métrage, Clara Petazzoni a donc fait plusieurs propositions d’ateliers autour de différentes disciplines artistiques. 

  • La première avec des adolescent·es d’une Maison familiale et rurale autour de l’écriture poétique à partir d’extraits du film de Mathieu Amalric et de la pièce de théâtre de Claudine Galea. Il en est ressorti des poèmes, des chansons et des lettres qui ont donné matière à la réalisation d’une mise en scène photographique.
    Pour susciter l’engagement des jeunes, Clara Petazzoni a également proposé d’organiser une rencontre avec Claudine Galea et une lecture de leurs textes dans le décor principal du film “Serre-moi fort”.
  • En écho, Clara Petazzoni a réalisé son court-métrage, “Amours sourdes”, à partir des mêmes extraits visionnés, explorant des thématiques de son propre travail créatif : l’absence, le deuil, la cellule familiale, la distance… Clara Petazzoni affirme que les réflexions, les interrogations, les textes des jeunes ont nourri son travail personnel. “Les jeunes et moi, on a travaillé à partir d’une même oeuvre […] et finalement, dans les ateliers, ils venaient mettre leur propre filtre et leur propre subjectivité sur ces questions-là”.
  • En parallèle, Clara Petazzoni a mené des ateliers avec des élèves de 1ère en Option Cinéma au Lycée, toujours autour d’extraits du film, mais abordés d’un point de vue technique. Certains d’entre eux·elles ont également participé au tournage comme technicien·nes, second·es assistant·es réalisateur·rices et même acteur·rices. Un élève de l’Option musique a également composé la bande originale du court-métrage.  

 

Faire résonner le film 

Marie Chèvre ajoute : “Avec le principe de répondre à un film par un autre geste créatif, et chacun s’est prêté à ce même exercice : Claudine Galea a entendu des textes écrits par des jeunes dans le décor principal du film ; Mathieu Amalric s’est retrouvé à regarder des portraits et à lire des textes écrits par les habitants du territoire où il a tourné (…) ; Claudine Galea a influencé le court métrage écrit par Clara […]. Il y avait vraiment des fulgurances de résonances […] La co-création est vraiment passée dans la circulation du geste artistique et le fait de le partager, de répondre à la création par une autre création.”      

Pour Jean-Marie Vinclair, ce qui traverse toutes les démarches ici, est “la question du lien, la question de la résonance entre l’acte de création et l’acte de transmission”.

Il résume le projet en citant les 4 temps de création : 

> L’écriture de Claudine Galea,
> Le film de Mathieu Amalric, 
> L’appel à projet et la réalisation du court métrage de Clara Petazzoni et la participation des jeunes au tournage,
> L’écriture des jeunes en atelier qui a donné lieu à une lecture devant Claudine Galea. 

 

“C’est une espèce de boucle, qui se reboucle, sur le même territoire”

Suite au visionnage d’un extrait du court métrage, les participant.e.s poursuivent l’explication de la magie des multiples “boucles” qui s’est opérée dans ce projet… et qui  se poursuivra avec la participation de Mathieu Amalric, en tant qu’acteur, au prochain film de Clara Petazzoni qui se tournera sur ce même territoire.

 

Conclusion de la table ronde

En conclusion à cet échange, et plus généralement à la Rencontre des Pôles, il est à souligner que l’éducation aux images peut opérer un lien entre création et transmission. 

Du côté des intervenant·es, la pratique de l’atelier vient nourrir inspirations et créations, menant parfois à l’éclosion de nouveaux projets personnels. 

Du côté du public, elle offre un temps de rencontres, une expérience esthétique, mais aussi transformationnelle influençant le rapport au monde et à soi-même et pouvant même susciter des vocations. 

Il est certain que le lien entre création et transmission n’a pas fini de surprendre et d’enrichir tant la singularité des expériences, et ce qui en découle, est évident pour chacun·e des acteur·rices impliqué·es. 

Propos recueillis par Stéphanie Putaggio, Coordinatrice éditoriale du Fil des images et Marion Vanmansart, Coordinatrice d’activités, Pôle Région Sud